Gilets jaunes : une erreur de management ?
Par Jean Noël Gaume
L'élection présidentielle de 2017 a révélé au grand jour l'échec, voire la faillite des partis politiques qui ont occupé le pouvoir pendant des décennies et a permis de mesurer le degré de démotivation des français, c'est-à-dire toutes celles et ceux qu'ils étaient censés protéger et servir. Le « dégagisme » d'envergure qui s'est imposé comme un gigantesque tsunami électoral a été directement proportionnel aux déceptions, amertumes et mal-être des femmes et des hommes qui se sentaient oubliés ou trahis.
Cette élection
a permis l'avènement d'un jeune président élu seulement par le
quart de la population mais doté d'une énergie qui ne laisse pas de
doute sur sa capacité à conduire le changement et à entamer les
réformes imposées par une conjoncture qui se traduit par les
ruptures profondes que sont la transformation numérique, le
dérèglement climatique, la transition écologique, le fossé
générationnel et la formidable accélération du temps.
A
cette conjoncture de fond se greffe en héritage pour le président,
une contingence plus proche, mais aussi limitante, qui résulte de la
gestion calamiteuse du pays durant les 40 dernières années et qui a
abouti à un endettement qui se situe au-delà de l'imaginable,
une fiscalité totalement hors de proportion , une profonde
fracture entre le peuple et ses élites, un fossé
vertigineux entre les plus riches et les plus modestes et une
iniquité de plus en plus flagrante de traitement entre les gens des
villes et les gens des champs.
Lors de sa campagne
électorale, le Président avait-il pris conscience de l'immensité
de la tâche qui l'attendait, avait-il réellement réalisé que nous
sommes entrés dans une nouvelle ère, dite 2.0, qui a changé la
face du monde, et qui rend obsolète tous les marqueurs qui ont
structuré nos sociétés jusqu'à nos jours ? Peut- être, mais
force est de constater aujourd'hui que le projet présidentiel qu'il
portait avec enthousiasme se heurte à une réalité protéiforme qui
résiste durement, de manière inédite et parfois violente à-travers
la détresse d'une population excédée et identifiable par le port
de gilets jaunes. Aujourd'hui, pour ces frondeurs, le lien est rompu.
Alors ou est l'erreur ?
La traduction managériale de
cette sombre actualité s'énonce ainsi dans mon livre : l'Entreprise
Inspirante. Tout ce qui arrive a un sens précis qu'il
faut comprendre et décoder. Il n'y a pas de hasard, pas de chance,
pas de malchance. Tout ce qui arrive de mauvais à un individu
ou un groupe est un signal envoyé par l'Univers pour l'amener à
progresser dans sa patience, son courage, sa capacité de
comprendre. Chaque fois qu'un individu s'écarte de sa mission
ou déçoit par ses décisions ou ses comportements, les autres et le
Monde lui envoient des messages d'insatisfaction. Lorsque la réalité
résiste de manière brutale, elle indique le nombre de messages qui
n'ont pas été entendus auparavant. La violence de cette réalité
témoigne de l'aveuglement et la surdité de l'agressé.
Ainsi,
lorsque les autres se plaignent et se mettent à souffrir dans leur
corps, c'est l'indice de changements à opérer. Si les conséquences
sont majeures, il y a des changements majeurs à conduire, c'est-à
dire modifier significativement sa conception de la vie et ses
comportements. Ne pas le faire aurait pour résultat d'attiser le
désamour voire la haine ; or, la haine bloque la circulation de
l'énergie. C'est donc la pire des solutions car elle est un barrage
qui ne permet plus aux messages d'être entendus, et interdit tout
travail de changement.
L'erreur s'est glissée
dans la manière dont a été engagé le quinquennat. La conduite
d'un changement requiert une loi fondamentale qui s'énonce ainsi :
Avant de demander des efforts supplémentaires, il faut d'abord
donner de l'énergie complémentaire à travers une valorisation
authentique des efforts passés. Lorsque les stratégies de
changement se présentent comme une rupture avec le passé, le
changement est refusé. La nouveauté n'est acceptée et intégrée
durablement que si elle se situe dans le prolongement du passé en
donnant à l'individu le sentiment de progresser dans sa vie
professionnelle et personnelle. A l'inverse lorsque le sentiment de
régression prime, le risque de rupture ou de blocage est
entier.
Le changement est donc un débat de
confiance et de conscience. La défiance apporte du doute, de
l'interrogation et au bout du compte de l'angoisse et de la
fragilité. Lorsque l'anxiété habite les éléments du groupe et
que le blocage est avéré, la seule solution d'ouverture est
d'apporter symboliquement ici et maintenant une série de messages
ultra positifs, en adéquation avec les revendications formulées.
Lorsque l'adhésion n'est pas requise, il faut faire très vite
l'inventaire des efforts demandés en plus et des apports accordés
en plus pour tendre vers l'équilibre. Tant que le rapport
apport/effort ne sera pas perçu comme équitable par les plaignants,
la confiance en l'avenir ne sera pas rétablie et le lien ne sera pas
retissé. Il est grand temps d'agir.
* Jean-Noël Gaume auteur de « L'Entreprise Inspirante », éditions KAWA - 23 ,95 €.