Grasse. Eduardo Arroyo signe l’affiche du Marché aux Truffes…
avant de disparaître.
Espagnol de naissance et de racines, français d’éducation, de culture et d’adoption, l’artiste Eduardo Arroyo a définitivement quitté son atelier le 14 octobre dernier, à l’âge de 81 ans. Une de ses toutes dernières œuvres aura été l’affiche de la 23ème édition des Marchés de la truffe de Grasse et du Rouret.des 5 et 6 janvier. prochain.
Il laisse le souvenir d’un artiste plein d’esprit et de fantaisie, un mélange de courtoisie et de cocasserie, de profondeur et d’ironie, pour balayer son siècle et s’amuser des absurdités de l’histoire. Né en 1937 à Madrid en pleine guerre espagnole, il s’exile à Paris en 1958 et obtient le statut de réfugié politique en 1974. Il est l’un des acteurs principaux du mouvement de figuration narrative. Artiste solitaire qui mélangeait réalisme et sarcasme, Arroyo était en Espagne le plus connu des peintres vivants, le plus populaire, le plus écouté aussi dans les nombreux festivals et les colloques auxquels il participait.
Ce grand d’Espagne, tellement mobile, philosophiquement acrobate, danseur, proche de Francis Picabia, James Joyce et Oscar Wilde, fut exposé par Olivier Kaeppelin à l’été 2017 à la Fondation Maeght. Sa culture était immense, très personnelle. Elle composait un univers plein de surprises, de contre-pieds, de labyrinthes, de jeux de pistes. Son œuvre provoque à la fois de grandes émotions esthétiques et une pensée complexe du monde. Elles lui ont permis de traverser le temps, l’histoire de l’art et d’incarner, subtilement, notre époque depuis les années 1960 jusqu’à un aujourd’hui.
Cet homme-orchestre fut à la fois peintre, graveur, lithographe, sculpteur, décorateur de théâtre, écrivain. Dans son ouvrage « Deux balles de tennis », morceau de littérature du vagabondage, de la déambulation traduit en français en 2017, Eduardo écrit : Dans mes mémoires, je raconte une scène rêvée, celle de mon enterrement, auquel prenait part un éléphant géant, très semblable au proboscidien représenté par Alfred Kubin, qui portait sur son dos un coffre de métal où étaient rangés mes livres. Je venais à peine de me redresser sur mon séant, pleurant dans ma tombe, les yeux rivés sur la colline qui me faisait face. L’éléphant m’apportait mes livres ! Pas la totalité, bien sûr, mais une bonne part de ceux que j’aime, ceux que pour rien au monde je n’oublierais, ceux qui ont occupé mes nuits d’insomnie. L’émotion me submergea et je compris soudain qu’on m’enterrait aux côtés de mes livres préférés dont la présence me rasséréna sur-le-champ. Je me recouchai alors et posai ma nuque sur Robinson Crusoé, le volume qui serait mon compagnon dans l’au-delà, et me tiendrait lieu de passeport pour passer la frontière, la frontière de l’expiration.
Un mot plein de fantaisie qui nous fait sourire malgré la triste nouvelle du décès de l’artiste qui avait été sollicité par Adrien Maeght, parrain de la manifestation grassoise, pour réaliser cette dernière affiche.