20 poèmes
à vingt francs pièce...
En 1959, Fernand Dartigues publié à compte d’auteur 20 poèmes avec une photo de son ami Gabriel Ollive, un Marseillais pure souche, alpiniste comme lui, familier des Calanques. Il y incluait une note à l’attention des lecteurs putatifs :
Vingt poèmes c'est trop ou trop peu. C'est trop si l'on s'est abusé sur leur mérite, c'est trop peu lorsqu'il s'agit de choisir soi-même parmi tous ceux dont on s'est rendu coupable. Dès que l’on est décidé à les proposer au jugement d'autrui comment ne pas hésiter entre ceux que t'on aime le plus et ceux qui peut-être plairont davantage ?
ll faut alors
se défendre contre l'idée assez répandue que le public a
mauvais goût. Et d'ailleurs qu'est. ce que le public ? Celui ou
celle qui lira ces lignes n'est pas le public : l'ensemble de
ceux
qui les liront le seront-ils davantage? Réponde qui
l'ose !
J'ai donc
choisi ces quelques vers. Je ne suis pas sûr du tout d'être
poète. Je sais par René Aillaud que« Les vrais poètes sont ceux
qui n’écrivent pas.
J'aime
néanmoins, pour communiquer certains de mes sentiments et pensées,
recourir aux sortilèges du langage, en usant surtout de ce que le
rythme et les rimes lui retranchent d'explicite et lui ajoutent
d'inexprimable.
La langue
française n 'est pas considérée comme étant favorable aux
exercices des poètes. Pourtant Villon, Racine, La Fontaine, Hugo,
Baudelaire, Verlaine, Valéry, Cocteau, Carco, Supervielle,
Géraldy... en ont tiré, semble-t-il, d'assez jolis effets.
ll est à
la mode, de nos jours, de briser les instruments plutôt que
d'apprendre à s’en servir. Mais sans rime il manque à la
poésie cette musique avec quoi, depuis toujours, elle est de
connivence. On peut écrire de magnifiques poèmes sans rime et
certains comme Jules Romains ont écrit ainsi de très beaux
vers - pourtant je ne crois pas qu'une œuvre poétique en puisse
faire fi. A quoi bon insister ? La poésie sans musique et la
peinture sans dessin correspondent sans doute à des
indiscernables et fugitives tendances comme on en observe à
intervalles irréguliers depuis que dans le monde l’art offre
un terrain de plus à l'antagonisme des humains.
Il me semble que de presque tous mes poèmes on devrait pouvoir tirer une chanson. D'ailleurs, nous en avons fait quelques-unes avec Auguste Pastour (musicien du soleil comme son père en était le peintre.
Je souhaite à
ceux-ci de trouver le compositeur, l'éditeur et l'interprète
qui se trouvent peut-être parmi vous !
J'ai fait ma
préface moi-même, n'ayant voulu déranger personne pour un
ouvrage si mince. Quand on donne st peu, c'est bien le moins que
l'on tire tout de soi-même ! J'ai toutefois emprunté au trésor
images de Gabriel Ollive une de ces photos dont il a le secret.
Elle représente un coin de l’univers : quelques arbres,
quelques herbes, quelques pierres humanisées, une route que
l'on peut prendre dans les deux sens, des collines dans le lointain,
le ciel par-dessus tout. C'est la Provence, c'est le monde... Le
monde que nous ne devrions pas quitter avant d'avoir trouvé le
bonheur.
J'aurais aimé
d'autres photos mais l'impression en coûte cher et je doutais
m'en tenir à ce prix de dix francs par poème, qui les met
vraiment à la portée de tous!
Toi qui me lis, ne sois pas trop sévère. Je te tutoie, usant ainsi d'une licence poétique pleine d’intérêt ; elle veut dire, je crois que le poète voit dans tout être humain son « semblable».
S'il t’arrive
d'être choqué, amusé, ému... je croirai que mes exercices
n'ont pas été vains : j'ai toujours rêvé de percer
quelques brèches dans les frontières de notre solitude.
Ce n'est pas
ici de rêves qu'il s'agit, mais des mouvements du cœur et de
l'esprit. Les rêves, se sont les politiques, les industriels, les
capitaines qui en font et c’est tant pis pour nous !
D'ailleurs de
quoi rêver, voyons, à l'heure où ce ne sont pas les poètes
qui sont dans la lune, mais les savants !
* Parmi ses 20 poèmes : L'homme - France - Confidence - Faits divers - Il faut être heureux - Provence - Rives - A tort et à travers - A Cannes...