Alpes-Maritimes : l’Audibergue, avant goût des tribulations d’une station de ski ...

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L’avenir de l’or blanc est en jeu.



Tout un chacun peut constater le réchauffement climatique. J’écrivais prudemment en 2002 qu’on ne savait pas encore s’il s’agissait d’un simple épisode ou d’un phénomène irréversible et jusqu’à quel point les activités humaines en étaient responsables. Il semble de plus en plus que même s’il est difficile de chiffrer la part exacte due à l’homme et celle d’une évolution naturelle du climat, le changement est là. Les calottes glacières fondent, itou les glaciers et la température moyenne augmente avec une recrudescence de phénomènes climatiques violents.


Dans notre région, il est facile d’imaginer les conséquences dramatiques qu’un changement important aurait sur notre économie, très majoritairement tournée vers le tourisme. Si pour l’instant sur le littoral méditerranéen, l’évolution des températures favorisent le développement d’un tourisme basé sur une météo clémente, ce n’est pas le cas des stations de ski du département. La saison est de plus en plus aléatoire et courte, la neige se transforme plus vite et certains stations, celles le plus près de la côte, sont en souffrance.


Il est clair que cet or blanc qui saupoudre parcimonieusement nos montagnes pré-alpines, donne des signes de fatigue. Cet état de fait devrait être le prémisse à une réflexion et éventuellement à des décisions courageuses.


La politique qui a cours dans notre département repose essentiellement sur les aides publiques. Cela me fait dire parfois que bien que cette activité coûte cher aux pratiquants, ils n’en payent pas le vrai prix, pris en parti assumé grâce aux impôts de ceux qui ne font ni feront jamais de ski... A y regarder d’un peu plus près, on découvre que les problèmes qui se posent pour chaque station donnent lieu à des traitements bien différents selon leur situation géographique autant que… géopolitique.


Ainsi la petite station de l’Audibergue, proche de Grasse, Cannes, Antibes et à guère plus d’une de l’est des grandes villes du Var.


Au tout début des années 60, le premier téléski y était installé dans le cadre du plan d’équipement des stations hivernales, le plan GEX, généreusement subventionné. Trois ans plus tard, la Société Cailloise fondée par le Dr Lucien Bonhomme, enfant du pays et 1er adjoint du maire de Cannes, était fière d’inaugurer dans le Vallon de l’Aups, un 2ème téléski. Projet subventionné par le départementale à hauteur de 40 %. Puis ce fut la construction d’un téléski de liaison et bientôt, contiguë, l’ouverture du parc de La Moulière comprenant un télésiège et un téléski.


Tout cela faisait un tout très cohérent, complété peu après par le téléski de La Charbonnière, intelligemment placé entre les deux entités existantes. Cette dernière réalisation (début 1975), la plus spectaculaire, comportait deux belles pistes en forêt, l’une d’elle classée au niveau national et pouvant accueillir des compétions de slalom géant.


Cette unité de lieu ne s’accompagna pas d’une logique commerciale à la hauteur. Les divers exploitants ne s’entendirent pas sur une politique tarifaire commune. Un arrêté préfectoral imposait pourtant l’instauration d’une carte unique sur l’ensemble du massif. Les exploitants ne jouèrent jamais le jeu et les autorités ne s’en inquiétèrent pas outre mesure. Mal leur en prit, la plupart connurent alors des difficultés financières.


Ce qui n’empêcha pas la station de connaître des heures de gloire. Elle profita ainsi pendant plusieurs années de tous ses atouts, bon enneigement, proximité du littoral azuréen, tarifs bas, animation et accueil familial. Le club de ski organisait des compétitions. Les scolaires bénéficiaient de tarifs préférentiels et venaient le jeudi par cars entiers de Cannes, Antibes, Cagnes-sur-mer, de Saint Raphaël. Un service d’autobus au départ de Cannes et de Grasse conduisait directement les skieurs au pied des pistes…


Cette dynamique positive mise en place par une équipe de bénévoles et l’appui des autorités locales permit une croissance rapide de la station aidée par un enneigement abondant. Les terrains se vendaient comme des petits pains, aussitôt lotis par de coquets chalets construits par des entreprises locales. Le nombre de commerces ne cessait de croître. Un développement d’autant plus spectaculaire que cette partie du haut-pays grassois ne comptait au départ que quelques cabanes de bergers et que la majorité de la population vivait dans l’isolement et l’immobilisme. Sur les massifs de l’Audibergue et de La Moulière on était passé rapidement de deux granges à une centaine de chalets et plusieurs restaurants. Les retombées économiques étaient évidentes et s’étendaient aux communes voisines. Les collectivités locales, collectrices de taxes, n’étaient pas les dernières à y trouver leur compte.


Puis vint le temps des vaches maigres. Les années sans neige se succédèrent dans tout le massif pré alpin. Rien ne bougeait, sans doute à cause de l’inexpérience des élus locaux, de leur manque d’ambition aussi et surtout de l’insuffisance de leur poids politique. Les pistes de ski étaient labourées l’été par les motos tout terrain. Pourtant il existait une solution pour le court terme : après une préparation des sols adéquate, il fallait d’urgence produire de la neige artificielle et réaliser des réserves collinaires pour conserver les eaux de pluie. Opérations qui allaient d’ailleurs être rapidement mises en œuvre dans le reste du département. Avec succès.


Tout près, la station de Gréollières, gérée principalement avec des fonds privés, mais aussi et surtout les stations à l’Est du département se dotaient de canons à neige et modernisaient leurs installations avec des subventions qui, au fil du temps, allaient représenter des sommes colossales.

À titre indicatif, à l’aube de l’an 2000, le Conseil général avait déjà alloué 300 MF d’aides diverses à l’économie montagnarde. Deux cent vingt millions de francs pour les remontées mécaniques, canons à neige…, 37 MF d’indemnisations aux stations ayant souffert entre 93 et 95 du manque de neige, 14 MF spécifiquement destinées à Valberg, Isola et Auron… L’Audibergue reçut, elle, la part congrue.


Depuis, il y eut la reprise de la gestion d’Isola 2000, estimée à 70 MF. La station d’Auron, quant à elle, était prise en charge par le Conseil général qui assure 70 à 80 % des investissements et couvre systématiquement les déficits. Un nouveau programme investira 8,5 millions € dans la création d’un nouveau téléski, l’amélioration de l’enneigement artificiel et la sécurisation des pistes.


Ces choix ne manquèrent pas d’attirer l’attention de la Cour des Comptes qui, dans son rapport annuel de 2001, s’inquiéta du manque de planification et de concertation ainsi que d’un endettement excessif.


Le domaine skiable de la Colmiane est un autre exemple. Sensiblement à la même altitude, de taille et d’équipements comparables à celui de l’Audibergue, le premier bénéficiait d'aides considérables qui l’ont sauvée de la faillite tandis que le second dépérissait, livré à son triste sort. Curieusement, lors de l’attribution de 2 millions € de subventions en janvier 2001 au canton de Saint Auban (dont dépend la station), le volet neige avait été exclu…


Tout n’est pas perdu car l’Audibergue garde comme principaux atouts son micro climat froid et la proximité du littoral. Moins de temps, moins d’essence, pour se rendre sur un parc qui reste attractif et ensoleillé. L’installation d’une vingtaine de canons à neige de la dernière génération (celle qui permet de fabriquer de la neige à une température de 3° au-dessus de zéro) laisserait espérer une ouverture de 2 ou trois mois. Il faut quand même avouer que c’est bien peu...


Encore faut-il se donner du mal, afficher sa détermination. Il faut affûter ses arguments pour convaincre les principaux partenaires institutionnels de leur devoir d’assistance, d’une répartition des aides plus équitable…

Ce désir légitime d’assurer la prospérité d’un territoire qui dispose de peu de ressource ne doit pas occulter une réflexion sur le long terme et sur l’avenir de cette industrie hivernale. Jusqu’où peut-on raisonnablement aller dans le financement public de ce qui n’est après tout qu’un loisir ?


- mis à jour d’un article publié en 2002 avec la participation d’André Guillouard, co-fondateur de la station de l’Audibergue / La Moulière.