Acheter des produits manufacturés en France :
le « achetons français ! » reviendrait-il à la mode, à la mode... de chez nous ?
Il fut un temps où nos dirigeants et nos chefs d’entreprise ne se gênaient pas pour nous dire d’acheter français. Le protectionnisme régnait en maitre. C’était avant que l’Europe économique ne se fasse, que les frontières disparaissent. C’était avant que l’Organisation Mondiale du Commerce ne nous taille des croupières… et déclare illégal le fait de promouvoir pour nos concitoyens l’achat de produits français.
Pas étonnant que la balance commerciale de pays comme le nôtre soit très largement déficitaire. La faute en est à nos politiques bien évidemment et bien sûr aux Français qui se laissent séduire par les campagnes publicitaires vantant les voitures coréennes, les vins californiens, et la multitude des objets fabriqués en Asie, des objets bon marché dont la qualité est souvent douteuse et non sans risques à l'usage, on l’a vu avec des jeux destinés aux jeunes enfants, des chaussures, des produits alimentaires. Les grandes enseignes devenues, OPA oblige, plus internationales que nationales ou familiales, sont les complices de fait de cet état des chose car ce sont elles qui parcourent le monde à la recherche des prix de revient les plus bas. Quant aux chefs d’entreprises qui délocalisent à tour de bras pour toujours plus de profit, ils ont cédé de façon inconsidérée aux chants des sirènes. Certains en sont revenus d’ailleurs et commencent à s'en mordre les doigts mais le mal est fait. Alors que des pays émergents frisent les taux de croissance annuelle à deux chiffres, plusieurs pays européens en croissance zéro se préparent à une récession tandis que d’autres sont à la veille de déposer leur bilan…
Avant, c’était mieux ! Ce n’est pas la question, ce n’est plus la question. Il s’agit de trouver un juste milieu et de faire passer l’intérêt général avant l’intérêt particulier, de raisonner à plus long terme, de payer un peu plus cher certains produits pour donner du travail aux Français.
Il y a mille et un exemples qui tendent à démontrer les situations ambiguës ou carrément absurdes auxquelles sont confrontées certaines professions et corporations. Ainsi celle dénoncée par le Groupement des Métiers de l’Imprimerie et le Syndicat de l’Impression Numérique et des services graphiques. Ils s’étonnent avec véhémence que le Conseil régional d’Alsace ait pu prendre la décision de subventionner la réalisation d’un livre imprimé… en Chine, au motif que les tarifs pratiqués en France seraient trois fois plus chers !
Face à cette problématique – le déséquilibre de la balance commerciale, la délocalisation, la disparition des usines et des manufactures du territoire français – il faut faire preuve de pragmatisme et redonner des couleurs au « fabriqué en France », au local.
Comme le Monsieur Jourdain de Molière faisait de la prose sans le savoir, les partisans du « local food » font-ils du protectionnisme ? En effet, l’application de ce concept implique que l’on consomme le maximum de produits cultivés et récoltés dans un rayon plus ou moins grand de leur lieu de consommation, excluant ainsi les produits exotiques et les produits hors saisons qui ne seraient pas congelés.
Le protectionnisme renaitrait-il de ses cendres ? La discrétion est de mise car pas question de slogans trop agressifs, car ceux qui ont tout intérêt à le combattre, veillent et sont prêts à attaquer toute politique trop ostensiblement publicisée qui irait dans ce sens. À Genève l’autre jour, l’OMC s’inquiétait de cette montée du protectionnisme et des protestations venues de la base dénonçant les coûts cachés de cette politique, contestée aussi par les Indignés et plusieurs ONG.
- la visite de trois entreprises de la Zone d’Activités de Carros avait été programmée dans le cadre de la Journée du « Fabriqué en France », organisée à l’initiative du député-maire de Nice, Christian Estrosi. Trois entreprises qui ont délibérément choisi d’investir et de produire sur le territoire de Nice Côte d’Azur : Synergie CAD, PDG Alain Librati ; Arkopharma, Philippe Rombi, Président du directoire ; Malongo, Jean-Pierre Blanc, Directeur général. Visites auxquelles participèrent, outre le maire de Nice, Jean-Pierre Lévi, président de l’ASSLIC, Antoine Damiani, Maire de Carros, Jean-Pierre Mascarelli, Conseiller général des Alpes-Maritimes ainsi que de nombreuses personnalités du monde économique azuréen - photo Ville de Nice, Priscilia Renou-Tallon -
Bernard Brochand dont on connaît le goût pour la langue de Shakespeare est devenu très « Made in Cannes ». Il y a aussi un « Made in Côte d’Azur », une agence événementielle. Il y a même un « Made in Lyon », ce qui a fait rugir le maire de Cannes qui voulait l'exclusivité du concept… À Nice, Christian Estrosi ne cache pas son appétence pour un « Fabriqué en France » reconnaissable grâce à un étiquetage ad hoc mentionnant précisément le pourcentage de composants français. Il prenait en exemple certains modèles de voitures Renault qui, assemblés dans l’hexagone, ne sont constitués que de 35 à 45 % de composants émanant d’équipementiers français… Paradoxe gouvernemental, alors que Pierre Lellouche, notre secrétaire d’État au commerce extérieur, se félicitait des avancées concernant les accords visant à davantage de mondialisation et de coopération européenne, Nicolas Sarkozy défendait le « produire en France », un concept plus soft bien sûr le « Acheter français ! » que le Parti Communiste avait remis à la mode dans les années 70… puis fut décliné par Jean-Marie Le Pen avec son « Produisons français, avec des Français »
L’idéal, bien sûr, ce serait que les consommateurs n’aient pas besoin de slogans incitatifs, qu’ils fassent preuve en ce domaine de logique, de volontarisme et d’exemplarité. Car, c’est à eux au final qu’il appartient d’acheter ou non Français, Chinois, Tunisien, Japonais… avec les conséquences que l’on connaît sur le commerce et l'économie. Qu’on se le dise dans les chaumières de France et de Navarre !
Alain Dartigues