Delauney : passage en mairie.
Le safari politique d'un ambassadeur pour qui l'Afrique n'avait pas de secret.
La sortie du livre de Maurice Delauney était attendue par le microcosme cannois et par ceux qui s'intéressent à la vie publique locale. Les amateurs de petites phrases assassines resteront sur leur faim, elles sont rares.
Le ton est policé, la lecture instructive et utile pour qui veut mieux comprendre le rôle joué par Maurice Delauney dans cette saga qu'est la vie politique cannoise.
Nous sommes en 1988, les choses ne vont pas si mal que ça, l'insécurité est loin d'être un problème majeur, les tags ne "décorent" pas encore les murs de la cité du Festival, une ville qui devient de plus en plus celle des Congrès, grâce à Xavier Roy.
Ambassadeur à la retraite, Michel Mouillot le sollicite alors pour occuper la place de premier adjoint. Il sera plus tard coopté par ses colistiers pour remplacer le maire de Cannes mis en examen et assurer, le plus sereinement possible, les affaires courantes jusqu'aux élections de 2001.
A l'heure des bilans, l'ambassadeur ne rougit pas du sien. Avec les moyens du bord et la perspective de ne pas avoir à solliciter un deuxième mandat, il a la conviction d'avoir rempli son contrat. Il a tenu en main son Conseil et reçoit comme preuve de bonne gestion, un satisfecit délivré par la Cour des Comptes. Il pense même, jusqu'à quelques mois avant les élections, avoir préparé sa succession. La député Louise Moreau favorise la candidature de Bernard Brochand et le recommande à Maurice Delauney. Les premiers contacts sont cordiaux et le maire convient de l'aider, seconder en cela par un agent électoral, Claude Bénitah, qu'il nomme directeur de la Communication. Le climat se détériore pourtant entre l'ancien et le futur maire. L'ambassadeur s'étonne des critiques insultantes et répétées du nouveau maire à son égard. Cela reste pour lui un total mystère.
S'il est un point au moins sur lequel Monsieur l'Ambassadeur et Bernard Brochand se rejoignent, c'est leur exaspération face aux "grincheux et empêcheurs patentés". C'est à cause de ceux-là que le projet du centre nautique du Mouré-Rouge ou de celui de la discothèque de Johnny Hallyday au Port Canto, n'aboutiront pas. Autre regret pour Maurice Delauney, celui ne n'avoir pas vu conclure le projet de rénovation de la gare SNCF. Trois ans d'efforts réduits à néant malgré un dossier bien monté pour lequel la société nationale était prête à financer largement les coûts.
Confronté aux lourdeurs administratives, il découvre certains effets pervers des lois sur la décentralisation. Le contrôle de légalité se fait maintenant à posteriori. Alors qu'auparavant, l'administration pouvait stopper un projet avant le début de sa réalisation, elle doit le plus fréquemment se contenter d'enregistrer l'infraction avant une éventuelle suspension des travaux. Ce fut le cas par exemple de l'extension du Palais des Festivals qui n'a toujours pas une existence légale, comme le rappelle l'ancien maire de Cannes. Quant au désir de l'actuelle municipalité de voir surélever la fameuse rotonde Riviera, il lui semble fort improbable que les autorisations puissent être obtenues. Le projet d'extension en sous-sol lui semble plus crédible, tout comme celui de la couverture de la voie ferrée, mais c'est alors le coût engendré par de tels travaux qui les rendraient pour l'instant irréalisables.
Maurice Delauney n'abandonnera jamais celui qui l'avait choisi et dont il appréciait le dynamisme. Il ira le visiter en prison et se défend d'avoir jamais participer à un quelconque complot. Il note aussi que le capital sympathie qu'il avait su exploiter est toujours vivace. L'intention de Michel Mouillot de retourner aux affaires, ne fait pour lui aucun doute.
Nous lui avons demandé quelques précisions sur le dossier de l'intercommunalité. Si en effet, il s'est montré favorable à sa réalisation, avec comme point de départ Cannes, Mandelieu et Le Cannet, il appelait de ses vœux la constitution d'une entité allant du haut-pays grassois à la mer et ayant comme centre administratif la ville de Grasse. Peu partisan de passer ce projet en force, il eut la délicatesse, sentant une opposition de certains de ses colistiers et des candidats à l'élection, de laisser ce choix à la future équipe municipale.
Engagé volontaire en 1939, Maurice Delauney a mis son point d'honneur à être présent lors des cérémonies au monument aux morts. Si légitimes soient-elles, elles sont forts nombreuses et il suggère qu'à leur place, on instaure comme cela ce fait dans les pays anglo-saxons, une unique commémoration : Le Jour de la Mémoire, solennel hommage aux combattants de toutes les guerres.
Si ses nombreuses affectations l'avaient conduit dans bien des pays africains, à Madagascar et dans les Nouvelles Hébrides, ses fonctions de maire de Cannes l'ont amené à visiter le Japon, la Chine, la Suède et à porter la bonne parole dans les villes de Québec, Budapest, Liège, Moscou, Gstaad, Prague, Abu-Dhabi, Fortaleza, Acapulco, Rome… Cela ne résume pas un bilan mais laissons le lecteur découvrir par lui-même les autres sujets développés dans le livre de Monsieur l'Ambassadeur.
*Chronique d'une mairie, Cannes 1989-2001, Maurice Delauney, édition Alma.
René Allain et Christian Olivier