« Sheraff », fais moi peur !
Le groupe rock parisien finit sa tournée d’été avec son nouvel EP.
Le rose et le rock font-ils bon ménage ? Queen, Peaches et autres New York Dolls ont dit halte à l’antagonisme entre la couleur Mattel et la musique d’Elvis avec leur pochette colorée. Démarche artistique plus que choix personnel, les groupes, adeptes du bel objet musical, sont si rares, à l’heure où la chose « disque » est standardisée et laissée pour compte par les maisons de disque ! Les adéquations entre esthétisme et musique comme celles d’Arcade Fire laissent une lueur d’espoir de voir les initiatives créatrices des années 80 de Blur ou de Katerine rejaillir face aux autres artistes gênés.
Sheraff, formation rock, s’inscrit-il dans la lignée de ces groupes décomplexés ? La pochette rose fluo presque aveuglante de l’EP du groupe parisien qui chante en anglais est, soit, fort déroutante. Mais les quatre garçons, passionnés de graphisme et de mise en scène, s’attardent plus à peaufiner l’image… et leur son ! Leur EP « Out again ! » était déjà une prouesse du grunge pop français avec « Modjo’s back », titre phare fort entêtant et au clip « À l’écran divisé », intéressant. Leurs compositions d’alors avaient été à l’origine de leurs collaborations futures avec les Français « We are Enfant Terrible » mais surtout les américains électro pop « Passion Pit ».
L’intérêt international que prennent les quatre Français est-il à l’origine de leur nouvel EP « Keep it Secret » ? Le clip du premier extrait « Fish & Chips » s’inscrit parfaitement dans un univers américain cocasse digne du film qui a inspiré leur nom de scène, « Le grand détournement » de Michel Hazanavicius et Dominique Mézette. Un crescendo à la guitare, avant une batterie endiablée et surtout un crédo adolescent, éraillé mais bien senti « All I want is a fish and chip’s », aucun doute, le single de l’EP donne le ton punchy et dansant. En entrant dans ce monde décalé auditif, les rencontres avec les personnages uniques vont bon train car après le petit gars moustachu adepte de « bouffe » américaine, c’est un « gay dad » qui se dresse sur la route dès les premières notes à la guitare si proches du meilleur du grunge des années 90.
Provocation ou simple décalage ? Nul doute que ces fans aussi bien de « Weezer », « Beck » et des « Smashing Pumkins », adeptes de mélanges musicaux, que de dérision, privilégient ce léger écart dans l’atmosphère atypique qu’ils ont créée. L’ambiance devient un peu plus oppressante quand quelques accords métal résonnent aux loin dans « With my cock & my knife » comme dans leurs premiers titres tels que « Violent Loves ». La haine et le ressentiment largement évoqués dans la chanson doivent sans doute être la cause des accords mineurs et du léger gothicisme du morceau.
Les entrevues avec les personnages cessent avec « Puissant Biker » où le chœur masculin contraste à merveille avec les riffs autant mélodiques que puissants.
Avec de si bons titres rock, pourquoi Benoît, Marc, Benjamin et Christophe ne se sont-ils cantonnés qu’aux premières parties de groupes talentueux tels que les Blood Red Shœs ou les Von Bondies ? La consécration est proche puisque le clip « Fish & Chips » a été sélectionné par les internautes pour être diffusé sur l’écran géant de « Rock en Scène » ! Autant de bonnes raisons pour aller voir ce groupe, aussi respectueux de la musique que de son expression visuelle sur scène, dès la rentrée de septembre à Paris.
Après tout, dans « La classe américaine », leur film inspirateur, on disait déjà que « Sheraff était un groupe number one » !
Solène Lanza