Vœux 2008 : vouloir plutôt que souhaiter.
L’éditorial signé par Fernand Dartigues, en janvier 1984, est toujours aussi frais.
- Quels vœux formez-vous pour l’année qui vient ?
- Je ne fais pas de vœux. Je prends des résolutions… et je tâche de m’y conformer. Je m’exerce à y voir plus clair, à mieux me conduire ; à faire mon bonheur avec ce qui est, ce que je suis, ce que je peux.
- Voilà qui est bien mais convenez que cette tradition des vœux pour le Nouvel An n’est pas mauvaise. Bien sûr, elle comporte beaucoup de formules creuses et l’on sait bien qu’il ne suffit pas de dire et d’entendre dire : Bonne Année, pour que les 365 jours à venir soient heureux. Cela vaut tout de même mieux que si l’on se souhaitait du mal. Vous me direz, que l’on pourrait aussi ne rien se souhaiter !
- Je ne le dis pas ; je ne trouve pas mauvais de souhaiter – pour peu qu’on le fasse de tout son cœur – et que ce ne soit pas de façon toute platonique. Il m’arrive assez souvent de souhaiter ; le souhait est un désir que l’on se borne à exprimer… sans trop y croire le plus souvent. De reste, Corneille nous le dit : le ciel sur nos souhaits ne règle pas les choses.
- Permettez-moi, comme beaucoup d’autres Français, de faire le vœu que notre gouvernement trouve le moyen de nous redonner confiance. De ne plus emprunter, de ne plus gaspiller, de ne plus prélever sur les contribuables une trop large part de leurs ressources. Nous n’avons pas pour vocation d’entretenir l’Etat ; or, celui-ci nous donne la fâcheuse impression que nous versons dans un gouffre le peu d’argent que nous pouvons encore gagner ! Et vous que souhaitez-vous donc ?
- La même chose, c’est certain. Je souhaite aussi, que cesse la guerre au Liban… Je souhaite que l’homme respecte l’homme et qu’il cesse de dénaturer la planète… que la liberté ne soit pas un vain mot, la fraternité non plus. Ce sont là, je le sais des vœux stériles : je suis trop petit pour faire entendre ma voix, rien en changera sur ces seules paroles.
- Ce n’est pas d’hier qu’il en est ainsi mais cela ne doit pas nous empêcher de rêver d’un monde meilleur. Nous sommes en 1984, en France, sous le règne du président Mitterrand, le régime est socialiste. Dans un an qui sait ce qu’il sera advenu de nous et de notre environnement ? J’y pense et sans trop m’épouvanter : depuis le guerre de 14, en passant par 39 et l’Algérie ; que de crises n’avons-nous pas vécues, que de dangers n’avons-nous pas courus ?
- Pour ma part, je ne saurais oublier que l’histoire de l’humanité ne prit jamais les allures d’un conte de fées. Pour si grande que soient nos motifs d’insatisfaction et d’inquiétude, nous comptons encore parmi les privilégiés : nous disposons du confort que nous procurent les biens de consommation qui sont, pour l’essentiel d’entre nous, à notre portée. Les autres, des millions, manquent du minimum du minimum. Tous les vœux que nous pouvons former à leur égard ne leur éviteront pas, hélas, de connaître le dénuement et ses conséquences. J’ai devant mes yeux l’image d’une indienne, vêtue d’un sari déchiré. Elle est allongée à même un trottoir de Calcutta, son bébé, nu, contre elle. C’est la misère à perpétuité, la désespérance totale… Et nous nous plaignons et vous vous plaigniez !
- Vous ne voulez donc pas faire de vœux ni en recevoir ?
- Cela n’a au fond que bien peu d’importance. Cependant, je ne veux priver de vœux personne. Mon père ne me répétait-il pas souvent : fiston, si tu n’aime pas la soupe, n’en dégoûte pas les autres… du reste, je ne vous veux que du bien !
Fernand Dartigues
- mention : www.pariscotedazur.fr – janvier 2008 - - contact -