Cannes Festival. Pour Robert De Niro, une Palme d'honneur…
Le mardi 13 mai prochain, l’acteur, réalisateur et producteur américain Robert De Niro recevra une Palme d’or d’honneur pour l’ensemble de sa carrière, lors de la cérémonie d’ouverture de la 78e édition du Festival de Cannes, 14 ans après avoir été Président du Jury en 2011.
- Robert De Niro © Brigitte Lacombe -
Surtout aujourd'hui, alors que tant de choses dans le monde nous séparent, Cannes nous rassemble :
conteurs, cinéastes, admirateurs et amis. C'est comme si nous revenions à la maison. »
Les débuts de Robert De Niro à l’écran scellent le destin d’une génération historique de réalisateurs qui, depuis New York, constituera la relève du cinéma hollywoodien. Dès les premières œuvres d’un Brian De Palma tout juste diplômé, Robert De Niro prête ses traits à des personnages d’antihéros. The Wedding Party, Greetings et Hi, Mom ! dessinent le style De Palma autant que le jeu De Niro, où la violence jaillit d’un calme charismatique. Car, de sa jeunesse bohème d’enfant d’artistes-peintres à New York, il puise une attitude de la rue, avec ses codes de conduite et de morale, qui fera le sel de ses premières interprétations et s’épanouira par la suite devant la caméra de Martin Scorsese. Cette amitié cinématographique mythique nait en 1973 avec Mean Streets dans lequel ils dépeignent leur quartier de Little Italy.
Du petit voyou au grand mafieux, De Niro n’aura de cesse, au cours de sa filmographie, de prêter son autorité naturelle à des figures de la Mafia italo-américaine, jusqu’à en faire sa signature. Et cela dès l’année suivante, avec l'un des rôles les plus significatifs de sa carrière mais aussi du cinéma : il incarne le jeune Vito Corleone dans Le Parrain, 2e partie de Francis Ford Coppola et réussit le défi d’interpréter les premières années du personnage de Marlon Brando sans être dans l’imitation. Sa prestation lui vaut l’Oscar du meilleur second rôle.
Les années suivantes confirment son talent, Robert De Niro enchaîne les tournages et les succès. En 1976, il présente deux chefs-d’œuvre du 7e Art en Sélection officielle au Festival de Cannes : 1900 de Bernardo Bertolucci et Taxi Driver de Martin Scorsese qui remporte la Palme d’or. Le perfectionnisme de son jeu est pour beaucoup dans cette récompense, entre préparation – il passe sa licence de chauffeur de taxi new-yorkais – et improvisation – la scène du miroir n’est plus à décrire.
L’investissement dans ses rôles entre dans la légende à mesure que sa collaboration avec Martin Scorsese se poursuit : il apprend à jouer du saxophone pour New York, New York, se met à la boxe et prend 30 kilos pour Raging Bull, dont il est à l’initiative et qui lui vaut l’Oscar du meilleur acteur. Pour exorciser son rapport conflictuel à la célébrité, il apporte le scénario de La Valse des pantins à son comparse et va jusqu’à interroger ses propres fans pour interpréter cet homme obsédé par un présentateur télé. Le film ouvre le Festival de Cannes 1983. L’année suivante, il y présente Il était une fois en Amérique, dernière œuvre de Sergio Leone, avant de revenir sur la Croisette avec Mission de Roland Joffé. Fait rare pour un acteur : seulement 10 ans après Taxi Driver, Robert De Niro tient le rôle principal d’une deuxième Palme d’or.
Dans les années 1990, l’acteur se réinvente. Il joue de son personnage autoritaire dans plusieurs comédies comme Mad Dog and Glory de John McNaughton, Jackie Brown de Quentin Tarantino, Mafia Blues d’Harold Ramis, jusqu’au culte Mon beau-père et moi de Jay Roach, où il traumatise un Ben Stiller plein de bonne volonté.
Tout en poursuivant sa collaboration avec Martin Scorsese – Les Affranchis, Les Nerfs à vif et Casino –, il se lance dans la production et la réalisation. Avec Jane Rosenthal, il crée en 1989 TriBeCa Productions. En 1993, il réalise avec succès son premier long métrage, Il était une fois le Bronx, qui reprend l'un de ses thèmes de prédilection : comment un quartier façonne les rapports communautaires entre violence et filiation. Son deuxième long métrage, Raisons d’État, sort 13 ans plus tard.
Les années 2000 le voient osciller entre apparitions inattendues – doublage (Gang de requins, Arthur et les Minimoys), sitcoms (Extras, 30 Rock), seconds rôles touchants (Happiness Therapy, Joy) – et rôles qui entretiennent sa légende grâce à des collaborations au sommet telles que Heat face à Al Pacino.
Après le 11-Septembre, Robert De Niro crée le TriBeCa Film Festival en 2002 pour aider les New-Yorkais à se réapproprier leur quartier meurtri. Il dévoile alors une autre facette de sa personnalité : son engagement politique. Avant d’être un fervent défenseur d’une société égalitaire et humaniste, il ne cesse d'explorer au fil de sa filmographie la violence de la société américaine dans des films qui montrent la perversité nouvelle du crime organisé, le dépérissement de l’État, le traumatisme de la guerre du Vietnam ou la manipulation des âmes par la société du spectacle. Son interprétation marquante dans Joker de Todd Phillips ou sa dernière apparition sur la Croisette pour une nouvelle collaboration avec l’ami Marty (Killers of the Flower Moon) en sont des exemples éclatants.
NDLR : Il y a fort à parier que, lors de sa remise de sa Palme d’honneur, Robert De Niro, ne puisse pas s’empêcher de s’épancher sur l’Amérique qu’est en train de mette en place Trump et ses Maga fanatiques. Une Amérique extrêmement blanche où n’auront plus leur place les gens de couleurs, les non chrétiens, les non-héterosexuels. Les transgenres devront eux se cacher, tout comme les milliers de femmes, violées ou pas, qui voudront se faire avorter. De leur côté, les visiteurs devront à la frontière montrer patte blanche (on fouillera ce qu’ils ont écrit sur les réseaux sociaux). Ils devront prouver qu’ils sont compatibles avec les nouvelles normes en vigueur.
De Niro, il est vrai, a déjà pris ces distances avec cette Amérique-là - elle n’est heureusement qu’une facette de cette erreur de... casting. Il n'y est d'ailleurs pas aller de mains morte en comparant Trump au parrain qu'il incarnait quand il jouait dans "Les Affranchis", ajoutant lors d'une interview avec Elise Lucet : "Il n'y a rien de bon chez ce malade. C'est le mal incarné !"