Cannes. La psychiatrie en question...

La Commission des Citoyens pour les Droits de l’Homme (CCDH-France) annonce l’organisation d’une manifestation pacifique devant le Palais des Festivals et des Congrès de Cannes, le mercredi 10 décembre 2025, de 17h30 à 19h, à l’occasion de la cérémonie d’inauguration du 17e Congrès français de psychiatrie.



- appareil d'électroconvulsivothérapie (ECT), musée de Glenside -


Cette mobilisation vise à dénoncer la promotion, au sein du programme officiel du congrès, de pratiques que l’association considère comme gravement attentatoires à la dignité et aux droits fondamentaux des personnes : électrochocs (électroconvulsivothérapie - ECT), explosion des prescriptions de psychotropes chez les enfants et les personnes âgées, essais de psychédéliques sur des publics vulnérables, ainsi que la banalisation de mesures de contrainte et de privation de liberté.

La présidente de la CCDH, Mylène Escudier, alerte sur la volonté affichée d’« optimiser » l’ECT et d’en réduire la « sous‑utilisation », alors que, selon les chiffres officiels de l’Assurance maladie, plus de 25 000 séances d’électroconvulsivothérapie sont réalisées et remboursées chaque année par la Sécurité sociale en France, représentant plus de 2,3 millions d’euros de dépenses publiques. 

Aussi sur la médicalisation massive de publics vulnérables, avec une hausse rapide des prescriptions de psychotropes chez les enfants et adolescents. Le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, a montré qu’entre 2014 et 2021, les prescriptions de psychostimulants chez les moins de 20 ans ont augmenté d’environ 78%, celles d’antidépresseurs de 62,5% et celles d’antipsychotiques de 48,5%, tandis que la consommation d’anxiolytiques a progressé de 16% et celle d’hypnotiques de plus de 200% sur la seule année 2021 par rapport à 2014.

Tandis que, chez les enfants autistes, environ 36,8% recevaient déjà un psychotrope en 2022, contre 31,8% en 2010, avec des durées moyennes de traitement dépassant dix ans, malgré les mises en garde de l’ANSM sur les risques iatrogènes.

De son côté, Santé publique France estime qu’environ 16 millions de personnes de 11 à 75 ans ont déjà pris des psychotropes, les anxiolytiques étant les plus consommés, devant les hypnotiques et les antidépresseurs, plaçant la France parmi les pays européens à très forte consommation globale, tout en connaissant une croissance particulièrement rapide des prescriptions chez les jeunes.

L’absence, dans le programme du congrès, de véritable mise en débat des mesures d’isolement et de contention, alors que les données nationales montrent une situation alarmante : d’après l’Irdes, près de 76 000 personnes ont été hospitalisées sans leur consentement à temps plein en psychiatrie en 2022, dont 37% ont subi au moins une mesure d’isolement (environ 28 000 patients) et 11% une contention mécanique (environ 8 000 patients), soit des dizaines de milliers de placements en chambre d’isolement et de mises sous contention chaque année.

  • Pour la CCDH, un congrès qui se place sous le thème « Lumière » ne peut prétendre éclairer la psychiatrie tout en passant sous silence les souffrances liées aux électrochocs forcés, aux traitements imposés, aux enfants mis sous psychotropes dès le plus jeune âge et aux patients attachés ou isolés pendant des durées prolongées. L’association demande l’ouverture de véritables débats contradictoires, la présence d’associations indépendantes de défense des droits dans les sessions consacrées à la contrainte, et une transparence totale sur les liens d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique et les promoteurs d’essais cliniques.



- Philippe Pinel, médecin-chef de La Salpêtrière, délivrant des aliénés de leurs chaînes,
peint par Tony Rovert Fleury, 1895 -