Gérard Bernar. Du Rock & Folk à la gastronomie…
La rubrique nécrologique n’est pas celle dont raffole les journalistes. Mais un jour où l’autre, il faut s’y résoudre et assumer cette tâche délicate. C’est d’autant plus difficile lorsqu’on doit évoquer la vie et le départ de quelqu’un qu’on respectait et pour qui on avait de l’affection.

- Gérard Bernar -
Gérard Bernar a senti le vent de la linotype et de la rotative passer. Le journalisme papier était en déclin et allait subir de plein fouet la révolution numérique. Comme Jean-Pierre Largillet (créateur de Sophianet.com, en 1999), Gérard a été parmi les premiers à prendre conscience et à réagir. Plutôt que de se lamenter - avant c’était mieux - il a pris le taureau par les cornes et créé, en 2003, son blog qui, l'e-mail gourmand, au fil des ans s’est étoffé. Il allait devenir un outil d’information et de communication, instaurant un lien privilégié entre les professionnels. On y retrouvait une somme exceptionnelle de nouvelles sur tout ce qui touche à la restauration, à l’art de la table, aux produits et à ceux qui, de loin ou de près, les transforment pour le plus grand bonheur de leurs hôtes. Son e-mail gourmand ainsi que ses numéros spéciaux étaient envoyés à plus de 10 000 personnes. Quand à sa page Facebook, elle pouvait être vue et aimée par plusieurs dizaines de milliers de visiteurs.
Il a fait parti de ces professionnels de la plume qui ont validé l’idée que certains cuisiniers étaient des artistes à part entière. Cela ne l’empêchait pas d’être prudent. Il ne s’érigeait pas en juge distribuant bonnes et mauvaise notes, les guides étaient là pour ça. Il se voyait plutôt dans la situation d’encourager, de stimuler, de faire connaître aussi ceux et celles qui méritaient de l‘être. Il faut dire que Gérard, question cuisine, avait la crédibilité de celui qui sait de quoi il parle, capable, derrière le fourneau, de préparer des plats savoureux. Il était tout sauf ce type d’influenceur complaisant qui, pour une poignée d’euros ou un os à ronger, se selfie à tout bout de champ à côté de son assiette.
Pour Jacques Gantié autre référence journalistique en la matière, il était « mieux qu'un critique aiguisant formules et traits d'esprit ou un influenceur né de la dernière pluie. Il restera cet artisan à l'écriture simple et claire et au solide bon sens, soucieux du travail bien fait, non un donneur de leçons ou un maître à penser. »

Gérard Bernar est trop parti. Avec Michèle, il formait depuis 55 ans un couple fusionnel. Elle l’avait accompagné et soutenu dans sa première aventure journalistique : la création, en 1968, d’un magazine consacré à l’actualité musicale et plus spécialement à la musique Rock et Folk « Best ». Même s’il ne jouait pas d’instrument, Gérard, qui avait l’oreille musicale, était passionné par Jimi Hendrix, les Who et préférait les Rolling Stones aux Beatles… des années tonitruantes pleines de rencontres. Mais Gérard finit par se lasser de cette vie parisienne agitée et épuisante. Du jour au lendemain, lui et Michèle prennent la direction du Sud. Ils débarquent à Fréjus, en 1975. Là, il fonde son entreprise de graphisme et de publicité. Il travaille pour François Léotard avant de rejoindre le Groupe de presse Riccobono. À l’approche de la retraite, il s’oriente alors vers le journalisme gastronomique, avec le succès que l’on connaît…
Cher Gérard, beaucoup d’étoilés étaient venus te saluer une dernière fois et serrer dans leurs bras ta chère Michèle. D’autres, là-haut, t’attendaient déjà. Ils t’avaient, j’en suis sûr réservé une place de choix à la Table des Chefs... parce que tu le vaux bien... you are the Best !
