Nice. Raoul Dufy ou le voyage de l’imaginaire...
Une exposition (du 13 décembre 2024 au 28 septembre 2025) nous invite à découvrir le cheminement artistique de Raoul Dufy (1877-1953) depuis la révélation de Luxe, Calme et Volupté d’Henri Matisse, où la nécessité de faire advenir le « miracle de l’imagination » lui apparaît pleinement, jusqu’à l’élaboration de sa touche en regard de celle de Paul Cézanne et enfin l’épanouissement de son langage pictural propre dans son atelier de Vence.
- Bateaux à l’Estaque, 1908 © Muriel Anssens, Ville de Nice -
C’est à Vence en effet, entre 1919 et 1922, que Dufy compose son style unique qui fait aujourd’hui sa renommée. Séduit par la lumière et la nature de la Méditerranée, il évolue vers une peinture moins sévère et revient à son amour des couleurs éclatantes et des arabesques. Ses variations sur les collines environnantes, dans lesquelles son dessin s’assouplit et prend son indépendance vis-à-vis des couleurs, témoignent de cette maturité.
En 1939, Raoul Dufy fuit Paris occupé par les Allemands et se réfugie dans le Midi. Ce repli coïncide avec une polyarthrite sévère, source de crises violentes et douloureuses. Contrairement aux vues de son atelier parisien, celles de Perpignan et de Vence évoquent un espace clos, un lieu de réclusion, liée à la guerre et à la maladie. C’est aussi durant cette période, qui s’étend jusqu’en 1950, date de son départ aux États-Unis, que Dufy s’attache particulièrement à la thématique musicale.
L’artiste éprouve une véritable fascination pour la mer qu’il ne cesse d’évoquer dans son œuvre. Né au Havre mais visiteur régulier du Sud de la France, l’artiste oscille sa vie durant entre la Manche et la Méditerranée. Les nombreuses vues de baies, de plages et de ports et les toutes aussi nombreuses scènes de régates et de courses d’aviron témoignent de son intérêt égal pour les paysages marins et les activités nautiques.
Ses œuvres sont soumises à la fusion progressive de son imaginaire avec la réalité observée. La mer est utilisée comme une toile de fond sur laquelle s’accrochent des motifs glanés çà et là : voiliers, bateaux à vapeur, drapeaux, rameurs et baigneurs. Dufy choisit même un point de vue aérien qui lui permet d’arrondir exagérément l’horizon et de confondre le ciel avec l’étendue marine, dans une variation de bleus allant du céruléen au cobalt. Les vagues sont traduites par des accents pointus et scintillants qui deviennent de petits triangles au fil du temps.
À sa manière, Raoul Dufy se fait aussi le témoin amusé de son temps. Les dîners au restaurant, les concerts et les défilés privés sont pour lui autant d’occasion de saisir, au crayon ou à l’encre, des scènes de la vie mondaine. À Nice, ville à laquelle il est lié par son épouse Émilienne, il dépeint les festivités locales, telles le Carnaval et la Fête des Mais, tout comme il croque le va-et-vient des calèches et des petits groupes de promeneurs qui longent la baie. Fasciné par l’architecture du Casino de la Jetée-Promenade, il ne cesse de le faire apparaître dans ses œuvres niçoises, même après sa démolition en 1944.
- Cette exposition est l’occasion de redécouvrir la richesse de la collection Dufy du musée des Beaux-Arts, que l’on doit principalement à la générosité de l’épouse de l’artiste, la Niçoise Eugénie Brisson.