Algérie. Chéraga un village au parfum…

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Peu de personnes savent que plusieurs villages d’Algérie ont été entièrement créés, quelques années après la conquête de 1830, par des Français qui cherchaient une vie meilleure. Chéraga est une commune située dans la plaine de la Mitidja, dans la banlieue Ouest d'Alger. Ce petit village fut peuplé par des Grassois. Ce fut la première migration régionale.




A l'entrée de la plaine de Staouéli, sur le territoire d'une ancienne tribu - les chéragas, qui a disparu et dont il a pris le nom, se trouve le village de Chéraga. Les premiers colons qui vinrent créer et peupler ce village, sont originaires de la région de Grasse, entre le Var et les Alpes maritimes : Montauroux, Fayence, Saint-Cassien, le Castellet... Des hommes courageux, humbles qui n'ont pas hésité à partir pour la grande aventure. Souvent, ils arrivaient seuls, et une fois bien établis, faisaient venir leur famille. Le plus souvent, c’était des cultivateurs et des artisans recrutés par Honoré Mercurin, industriel parfumeur à Grasse. Ces migrants ont introduit avec eux la culture des plantes odoriférantes et créèrent de nombreuses distilleries.

Mais les autorités du canton de Grasse et même de Cannes où les embarquements avaient lieu, manifestèrent la plus vive opposition au départ de ces émigrants. Certains maires, cédant à la panique, refusèrent de signer les passeports, redoutant le départ des journaliers travaillant à Grasse. Les membres du clergé s'en mêlèrent, faisant ressortir l'énorme danger que ces hommes allaient courir.

C’est alors qu’intervient Monsieur Mercurin qui vante la qualité du sol, les terres vierges, le climat propice à la culture des arbres, plantes et fleurs à parfum. Il recrute 80 personnes qui embarquent à Antibes le 23 octobre 1842 sur le « Météore », navire à vapeur. Arrivés à Alger, un important convoi les emmène à Chéragas. Le Comte Guyot distribue les lots ruraux prévus selon l'importance de la famille. En février 1843, 20 nouvelles familles arrivent. La population passe à 456 personnes. Mais beaucoup repartent en découvrant l'aridité du sol et l'immense travail à accomplir ; ils sont découragés ! Mais d'autres restent et commencent le défrichement des terres.  L'alimentation en eau potable est favorisée par l'importance des sources et des puits très abondants. Cette année-là, le village sort véritablement de terre, les maisons s'édifient ; un boucher, un boulanger deux aubergistes s'y installent ; 130 ha sont défrichés et mis en culture.

Le village vivait jusque-là de l'industrie du crin végétal ; plusieurs fabriques importantes y étaient installées. Mais devant l’avancée du défrichement, elles devront, faute de matière première, se déplacer vers le sud. L'élevage des bestiaux est favorisé par les nombreux coteaux boisés, où l'herbe est en abondance. Le lait, d'excellente qualité, est utilisé pour la fabrication de fromages, notamment le Brie de Chéragas. On trouve aussi des cultures de céréales, d'oliviers, de mûriers, de vigne et une industrie naissante, la distillation, grâce aux plantations d'arbres et d'arbustes odoriférants et fleurs. Le vin devint un commerce florissant.

C'est en 1847, à Chéragas justement, qu'eurent lieu les premiers essais de la culture du géranium rosat. Sa distillation sur place est attestée dès 1851 et les produits seront envoyés à Grasse. Le village profite de la création, en 1843, du centre de Staouéli : un établissement religieux et agricole fondé par les trappistes : l'Abbaye de la Trappe. On peut noter que les trappistes, sous la direction du père François Régis, cultivèrent le géranium rosat et créèrent une usine de distillation produisant 600 kg/jour de cette essence. Par ailleurs, Antoine Chiris, célèbre parfumeur grassois, installe une autre usine à Boufarik. 

Il faut souligner le courage et l’abnégation de ces colons. Les familles Raybaud, Thomel, Funel de Grasse, Pastour de Vence, Emeric de Saint-Laurent du Var, Palanque de Mouans-Sartoux, Salva, Geoffroy, Mengual, Balester, Verdoux, Fath, Bonnet…  ne ménagèrent pas leurs efforts. En 1962, le village comptait 1570 habitants. Il est aujourd’hui entièrement urbanisé et intégré à l'agglomération algéroise.