Coupe du monde de Foot. Le prix du sang...

Catégorie Pieds dans le plat

Yasmin Purnell est rédactrice pour MoneyTransfers.com. Elle livre ici ses réflexions sur cet événement planétaire, qui, à l’aune du changement climatique et des Droits de l’homme, fait, c’est le moins qu’on puisse dire, débat. Extraits :


- le stade Al Bayt, Doha -

Avec un total de 64 matchs à jouer pendant la Coupe du monde au Qatar, MoneyTransfers.com a calculé que cela équivaut à une moyenne de 101 décès de migrants par match. Ce chiffre suppose que le nombre de décès parmi les travailleurs migrants liés sur les chantiers des stades de la Coupe du monde reste à 6 500. Le chiffre total par match est nettement supérieur à l’estimation publiée par PlayFair Qatar en 2015, dans laquelle ils avaient prédit qu’environ 62 travailleurs mourraient pour chaque match joué. Cela signifie que le chiffre actuel représente une augmentation de 63 % par rapport aux prévisions déjà choquantes d’il y a sept ans.

Les enquêtes du Guardian ont révélé que 6 500 travailleurs migrants sont morts au Qatar depuis que le pays a obtenu le droit d’accueillir la Coupe du monde 2022 il y a 10 ans. Ce chiffre stupéfiant contraste fortement avec les 37 décès signalés par l’organisation des événements, à l’exception de trois décès répertoriés comme « non liés au travail ». 

Selon le journal Le Monde, « parmi les causes de ces décès, l’une prédomine : la mort naturelle , qui représente 70 % des causes citées pour les travailleurs indiens, népalais ou bangladais, une part qui atteint 80 % chez les Indiens. Cela s’explique en partie parce qu’aucune autopsie ou aucun examen médical n’est pratiqué afin de déterminer la réelle cause de la mort ».

Le rapport du Guardian a révélé que 6 500 travailleurs migrants de cinq pays d’Asie du Sud (Inde, Pakistan, Népal, Bangladesh et Sri Lanka) sont morts au Qatar entre 2010 et 2020. Il indique, en outre, que le nombre total de morts lié à la Coupe du monde est susceptible d’être plus élevé, car il n’inclut pas les décès d’autres pays tels que les Philippines.

Les décès incluent des travailleurs qui se sont effondrés sur le chantier de construction du stade et sont décédés plus tard hors site, des travailleurs décédés dans des accidents de la circulation sur le chemin du travail, dans leurs camps de travail, des suicides alors qu’ils travaillaient sur la construction du stade et d’autres décès parmi les travailleurs liés à des projets d’infrastructure de la Coupe du monde au Qatar. Les 37 décès confirmés ne font vraisemblablement référence qu’aux décès survenus sur place.

Mais qu’en est-il des ouvriers travaillant toute l’année pour construire les stades ? Une étude de 2019 sur le taux de mortalité des travailleurs migrants népalais au Qatar a conclu qu’il y avait une forte probabilité que lorsque le décès d’un travailleur est enregistré comme un problème cardiovasculaire, bon nombre de ces décès étaient dus à un grave coup de chaleur.

Malgré l’opinion publique résolument en faveur d’un boycott de la coupe du monde Qatar 2022 (70 % comme le rapporte RunRepeat ), la grande majorité des personnes sondées convenant que l’événement devrait avoir lieu ailleurs (69 %), la Fifa a été particulièrement laxiste dans ses les tentatives d’améliorer les conditions des travailleurs migrants qui ont joué un rôle déterminant dans la création des stades pour rendre l’événement possible. Le président de la Fifa, Gianni Infantino, a affirmé que les travailleurs seraient fiers de contribuer à la construction de stades pour le tournoi, ajoutant que « la Fifa n’est pas la police du monde ni responsable de tout ce qui se passe ».

Les droits des travailleurs au Qatar étaient un point de discorde lorsque la Fifa a décerné au pays la candidature à la Coupe du monde en 2010, et au fil des ans, ces craintes ont été fondées. Le Qatar utilise le système Kafala basé sur le parrainage, liant les travailleurs migrants à un employeur spécifique qui est généralement responsable de leur visa et de leur statut juridique, ce qui signifie que des millions de travailleurs sont vulnérables aux abus et à des conditions de travail choquantes.

Ce n’est qu’en 2018 que le Qatar a mis fin à l’exigence d’un «permis de sortie» pour la plupart des travailleurs, ce qui signifie que les personnes concernées ont le droit de quitter le pays sans avoir à demander au préalable l’autorisation de leur employeur. L’année précédente, le gouvernement du Qatar a adopté une nouvelle législation pour les travailleurs domestiques, créant un comité régissant les conflits du travail et créant un fonds de soutien et d’assurance pour les travailleurs.

En 2020, le Qatar a mis fin à l’exigence de « certificat de non-objection », ce qui signifie que tous les travailleurs devraient désormais pouvoir changer d’emploi sans avoir besoin au préalable de l’autorisation de leur employeur actuel. En outre, le pays a introduit un salaire minimum obligatoire de 1 000 QAR par mois (274 $).

Cependant, il reste encore beaucoup à faire. Amnesty International a révélé en 2020 que les employés d’une entreprise de conception et de construction au Qatar engagés pour travailler sur le stade Al Bayt n’avaient pas été payés jusqu’à sept mois. La Fifa a déclaré qu’elle n’était pas au courant de la situation, mais Amnesty International déclare que le comité « ne prend toujours pas suffisamment au sérieux les violations des droits de l’homme liées à la Coupe du monde ».

Notant toutefois que cette couple du monde détient le record de 220 milliards de dollars investi dans l’événement.

Yasmin Purnell 

NDLR : En tant que visiteur, il est recommandé d’avoir un budget d'au moins 113 € / jour et par personne, soit 426 qar / jour pour séjourner au Qatar. Quant au salaire moyen il s'élève à 14 958 qar, ce qui équivaut à 3 948 € par mois. A mettre en perspective avec les 265 € par mois accordés aux travailleurs étrangers… L’esclavagisme n’est pas loin.