Zemmour : une candidature sortie du fond des bois…

A six mois du premier tour de l’élection présidentielle, la LICRA et la revue Le DDV ont souhaité mieux cerner l’ampleur et les ressorts du nouvel électorat « national-populiste » cristallisé depuis quelques mois par la candidature putative d’Eric Zemmour. Afin de pouvoir évaluer sur des bases solides le profil et les motivations de ses électeurs, l’Ifop a donc constitué un dispositif d’étude exceptionnel reposant sur le plus gros échantillon – 5 000 Français, soit cinq fois plus que pour les échantillons habituels – mis en place depuis que le polémiste est testé dans des sondages d’intentions de vote. Les résultats permettent d’esquisser la première sociologie du « zemmourisme ». Cette enquête montre aussi que sa dynamique s’effectue dans un climat d’opinion des plus favorables aux thématiques que le polémiste développe depuis des années dans les médias. Extraits :


A l’heure où certains tendent à relativiser l’ascension sondagière d’Eric Zemmour, force est de constater que le journaliste du Figaro (16%) talonne désormais Marine Le Pen (17%) de suffisamment près pour que la question de sa qualification au second tour se pose sérieusement, y compris dans l’hypothèse où Xavier Bertrand (15%) serait le candidat LR. Ainsi, la droite « nationaliste » dans son ensemble attire désormais plus d’un suffrage sur trois : 35,5% des électeurs ont actuellement l’intention de voter pour un candidat national souverainiste (Eric Zemmour, Nicolas Dupont-Aignan, Marine Le Pen), contre 26,2% au premier tour il y a cinq ans. Alors même qu’Eric Zemmour n’a pas encore officiellement annoncé sa candidature, son électorat apparaît aussi « ferme » (64%) que les électorats Mélenchon (63%) ou Macron (66%), ce qui infirme quelque peu la thèse selon laquelle sa candidature ne serait qu’une « bulle sondagiere » liée notamment au fait que les Français seraient encore très incertains de leur vote. 

La structure du vote Zemmour s’avère beaucoup plus homogène que celle d’un électorat lepéniste qui présente plus que jamais un profil de vote de classe. Le seul clivage est le genre avec 13% d’intentions de vote chez les femmes, contre 19% chez les hommes. Ce « gender gap » tient sans doute aux positions antiféministes assénées par l’essayiste depuis le Premier sexe (2006). Cette dynamique zemmourienne semble se nourrir auprès des différents courants de « droite », en premier lieu desquels la frange la plus « populaire » de l’électorat de la droite classique - tel qu’il fut cristallisé par Francois Fillon en avril 2017 - et la fraction la plus aisée des anciens électeurs lepénistes dont il capte globalement 28% des voix. Enfin, l’ascension sondagière du polémiste s’effectue dans un climat d’opinion très favorable aux thématiques du polémiste : trois des six principaux enjeux déterminant le vote des Français sont des thématiques chères à Eric Zemmour, à savoir la lutte contre l’insécurité, le terrorisme et l’immigration. 

Pour François Kraus, directeur du pôle « Politique / Actualités » à l’Ifop : « L’analyse des motivations des électorats lepéniste et zémourien fait ressortir des spécificités. S’ils se caractérisent tous les deux par une sensibilité beaucoup plus forte que la moyenne aux questions de lutte contre la délinquance, le terrorisme ou l’immigration clandestine, l’électorat Zemmour se montre encore plus polarisé par ces thématiques. Les enjeux sociaux comme la lutte contre le chômage ou le relèvement du pouvoir d’achat sont par contre beaucoup moins présents dans les motivations de l’électorat zemmourien que lepéniste. In fine, aussi bien en terme de niveau que de tendance, ces données vont plutôt dans le sens de ce que Guillaume Tabard perçoit comme une ‘droitisation de l’électorat’, reflétant clairement l’expression de l’attente d’une offre identitaire assumée ». 

  • Le rapport : https://www.leddv.fr/