Loi d'urgence sanitaire : conséquences en droit fiscal, urbanisme, droit des affaires...

Pendant que les réseaux sociaux s’en donnent à cœur joie, au risque de foutre la pagaille et d’induire les internautes en erreur, « Clarelis » - notaires associés - a décrypté les mesures prises dans certains domaines par le Gouvernement dans le cadre de la Loi d'Urgence Sanitaire :


La loi promulguée le 23 mars par le Président de la République instaure un dispositif d'état d'urgence sanitaire. Ce dispositif, introduit dans le code de la santé publique, n'est pas pérenne. Ses dispositions sont valables pendant un an, jusqu'au 1er avril 2021. Dans le cadre de cet état d'urgence, le Premier ministre peut prendre par décret des mesures listées par la loi : ordonner un confinement à domicile, des réquisitions, interdire les rassemblements... Il peut aussi prendre des mesures temporaires de contrôle des prix de certains produits, permettre aux patients de disposer de médicaments et décider toute limite réglementaire à la liberté d’entreprendre. Le ministre chargé de la santé peut, par arrêté, fixer les autres mesures générales et des mesures individuelles. Les préfets peuvent être habilités à prendre localement des mesures d'application. Toutes ces mesures doivent être motivées par la crise sanitaire et proportionnées aux risques encourus. Ainsi, il s’agit :

    • d’aider et de soutenir la trésorerie des entreprises et des associations afin de limiter les faillites et les licenciements (création d'un fonds de solidarité avec la participation des régions pour les petites entreprises, extension du champ du chômage partiel, capacité renforcée de la Banque publique d'investissement d'accorder des garanties, report des charges sociales et fiscales et sursis aux factures de loyers, de gaz et d'électricité pour les petites entreprises et les petits commerces...) ;

    • Adapter le droit du travail (accord de branche ou d'entreprise autorisant l'employeur à imposer des dates de prise de jours de congé dans la limite de six jours, possibilité pour l'employeur d'imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de réduction de temps de travail, conditions facilitées pour le versement de l'intéressement et de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat aux salariés...) ;

    • Prolonger l'indemnisation des chômeurs en fin de droits ;

    • Adapter les procédures administratives et juridictionnelles (sur les délais légaux, les règles de procédure pénale...)


Concernant le Droit fiscal :

Les entreprises pourront bénéficier d’un report ou d’un étalement du paiement de leurs échéances en matière d’impôt sur les sociétés, de taxe sur les salaires, de CFE et de CVAE. Le report peut être demandé pour un délai maximum de trois mois post échéances, sans pénalités et sans avoir à produire de justification, au moyen d’un formulaire disponible en ligne sur impôts.gouv.fr, que l’entreprise devra adresser à son SIE. Si les échéances du mois ont déjà été réglées, il est toujours possible d’en demander l’application :


· si le prélèvement est en cours, en y faisant opposition ;

· si le règlement est déjà passé, en formulant une demande de remboursement au même moment que la demande de report d’imposition. Attention, cette mesure ne concerne que les impositions directes. Sont donc exclues, les demandes de report ou d’étalement de la TVA (cet impôt ayant été collecté pour le compte de l’Etat, il n’a jamais eu vocation à appartenir à l’entreprise) ou du reversement du prélèvement à la source effectué par les entreprises sur les salaires de leurs employés en tant que collecteur. Il est aussi possible de faire une demande de remise d’impôts directs s’il est démontré qu’un report d’échéance ne suffira pas à surmonter les difficultés économiques rencontrées. Cette demande est effectuée sur le même formulaire que celui visé supra. Il est également prévu de pouvoir suspendre les contrats de mensualisation de paiement de CFE et de taxe foncière. Le montant restant dû sera alors prélevé au moment du paiement du solde.


Un report ou une modulation du paiement des cotisations sociales devrait intervenir pour les employeurs dont l’échéance intervient le 5 avril, comme ce qui a été effectué pour l’échéance du 15 mars. Ce report s’appliquerait dans la limite de trois mois. Les professions indépendantes peuvent obtenir des échéanciers de paiement en se connectant en ligne notamment sur leur espace en ligne de l’URSSAF.

Crédits d’impôts. Les entreprises bénéficiant de crédits d’impôts (CI) (Crédit d’impôt recherche, CICE, Crédits d’impôt pour dépenses de production d’œuvres artistiques…) peuvent faire la demande d’un remboursement anticipé en remplissant le formulaire Cerfa n°2573 disponible sur leur espace professionnel en ligne impots.gouv.fr. Il conviendra de joindre à la demande de remboursement, le justificatif du CI (Cerfa n°2069-RCI ou déclaration spécifique), la déclaration de résultat ou le relevé de solde de l’IS.

Les travailleurs indépendants ont la possibilité de moduler ou de reporter leurs acomptes de prélèvement à la source, via leur espace en ligne impôts.gouv.fr, rubrique « Gérer mon prélèvement à la source ». Le report se fait d’un mois sur l’autre jusqu’à trois fois si les acomptes sont mensuels, ou d’un trimestre sur l’autre si les acomptes sont trimestriels.


Il a été créé un Fond de solidarité destiné à venir en aide aux TPE, indépendants et micro-entrepreneurs subissant des pertes de chiffres d’affaires (CA) liées à la mise en place des mesures restrictives destinées à prévenir la propagation du Covid-19. Il s’agit d’une aide maximale de 1 500 € accordée aux entreprises qui ont un CA inférieur à 1 M€ et qui :


· ont fait l’objet d’une fermeture par décision administrative ou qui appartiennent à un secteur particulièrement touché (hébergement, restauration, activités culturelles et sportives, événementiel, foires et salons, transport-entreposage)

· ou qui subissent une perte de CA supérieure à 70% pour la période comprise entre le 21 février et le 31 mars 2020, par rapport à la même période en 2019. Cette aide serait disponible à compter du 31 mars 2020 à l’aide d’un formulaire disponible sur l’espace professionnel en ligne impôts.gouv.fr. L’État garantirait les nouveaux prêts de trésorerie accordés à partir du 16 mars et jusqu’au 31 décembre 2020.


Ordonnance Urgence CCP. « Portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19 », cette ordonnance comporte les mesures tendant à l’assouplissement des règles applicables à l’exécution des contrats publics qui serait compromise du fait de l’épidémie de covid-19, afin de ne pas pénaliser les opérateurs économiques et de permettre la continuité de ces contrats. Ainsi, les contrats dont la durée d’exécution arrive à échéance pendant cette période peuvent être prolongés au-delà de la durée maximale fixée par le code de la commande publique et les autorités contractantes sont autorisées à s’approvisionner auprès de tiers nonobstant d’éventuelles clauses d’exclusivité.

Afin de ne pas pénaliser les opérateurs économiques, des mesures sont prévues pour faire obstacle aux clauses contractuelles relatives aux sanctions pouvant être infligées au titulaire et prévoir les modalités de son indemnisation en cas de résiliation du contrat ou d’annulation de bons de commande.  L’ordonnance assouplit également les règles d’exécution financières des contrats de la commande publique, notamment en permettant aux acheteurs de verser des avances d’un montant supérieur au taux maximal de 60% prévu par le code de la commande publique.

La Direction des Affaires Juridiques du Ministère de l’économie et des finances de Bercy a publié le 19 mars 2020 des fiches intitulées « La passation et l’exécution des marchés publics en situation de crise sanitaire » invitant les acheteurs publics à reconnaître le caractère de force majeure de la crise sanitaire et rappelant les procédures de passation accélérées existantes pour satisfaire les besoins urgents (notamment les dispositions de l’article R.2122-1 du Code de la commande publique relatif à l’urgence impérieuse). Pour consulter les fiches, cliquez ici.


Concernant les décisions d’urbanisme. À l'heure actuelle, les administrations publiques chargées de conduire les procédures et de prendre les décisions en matière d’autorisations d’urbanisme sont incapables d'assurer convenablement la continuité du service public. Dès lors et afin de faire face aux conséquences notamment de nature administrative et juridictionnelle de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, le Gouvernement a été autorisé par l’article 7 paragraphe 2° de la loi d’urgence à prendre par voie d’ordonnance, toute mesure :


· adaptant les délais et procédures applicables au dépôt et au traitement des déclarations et demandes présentées aux autorités administratives, les délais et les modalités de consultation du public ou de toute instance ou autorité, préalables à la prise d’une décision par une autorité administrative et, le cas échéant, les délais dans lesquels cette décision peut ou doit être prise ou peut naître ainsi que les délais de réalisation par toute personne de contrôles, travaux et prescriptions de toute nature imposées par les lois et règlements, à moins que ceux-ci ne résultent d’une décision de justice ;

· adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation ou cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions. Ces mesures sont rendues applicables à compter du 12 mars 2020 et ne peuvent excéder de plus de trois mois la fin des mesures de police administrative prises par le Gouvernement pour ralentir la propagation de l’épidémie de covid-19 ;

· adaptant, aux seules fins de limiter la propagation de l’épidémie de covid-19 parmi les personnes participant à la conduite et au déroulement des instances, les règles relatives à la compétence territoriale et aux formations de jugement des juridictions de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire ainsi que les règles relatives aux délais de procédure et de jugement, à la publicité des audiences et à leur tenue, au recours à la visioconférence devant ces juridictions et aux modalités de saisine de la juridiction et d’organisation du contradictoire devant les juridictions ; (…)

Accès au site du gouvernement : ici.