La grève : droit et devoirs...
Droit fondamental, reconnu et protégé par la Constitution, le Code du travail et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, son exercice implique des obligations mais aussi des interdictions que se soit pour les salariés ou pour les employeurs. Justine Gibierge, avocate, Membre du réseau Eurojuris qui fédère plus de mil professionnels du droit, fait pour nous le point. Extraits :
* Blocus du Centre Leclerc de Moulins, plateforme importante et stratégique de distribution alimentant 6 départements, avait réuni des Agriculteurs provenant d’Auvergne, Rhône-Alpes et Limousin. Ils avaient demandé auprès de l’État une revalorisation de leurs productions, une baisse des charges et avaient dénoncé l'importation de viandes étrangères © Clame reporter - février 2016.
Le droit de grève est un droit individuel exercé collectivement. Définie par la jurisprudence, une grève est une cessation collective et concertée du travail par le personnel d’une ou plusieurs entreprises visant à appuyer des revendications professionnelles. Pour qu’un arrêt de travail soit licite, le salarié doit réunir les conditions suivantes : une cessation totale du travail ; une concertation des salariés ; des revendications à caractère professionnel dont l’employeur a connaissance au moment de l’arrêt de travail.
Il
s’agit là d’une première obligation pour les salariés :
porter à la connaissance de l’employeur des revendications
professionnelles au moment de l’arrêt de travail .
En effet, « l'exercice
normal du droit de grève, s'il n'est soumis, en droit commun, à
aucun préavis, nécessite l'existence de revendications
professionnelles dont l'employeur doit avoir connaissance au moment
de l'arrêt de travail ».
Il convient néanmoins de rassurer les salariés et préciser qu’une
communication au moment même du déclenchement de la grève suffit.
En
outre, les salariés grévistes se doivent de respecter
le travail des salariés ayant fait le choix de ne pas participer au
mouvement de grève. Ainsi,
ils ne peuvent pas les empêcher de travailler ; le blocage de
l’accès au lieu de travail ou l’occupation d’un lieu de
travail dans le but d’empêcher le travail des salariés
non-grévistes s’analyse comme un acte abusif qui peut donner lieu
à un licenciement pour faute lourde et à des poursuites pénales
[il semble pourtant que le piquet
de grève est une pratique assez courante]. Également, les
salariés grévistes ne doivent participer ni à la dégradation des
locaux ou de matériels de l’entreprise ni à des faits de violence
à l’encontre de la direction ou des salariés non-grévistes.
Concernant les obligations de l’employeur, celui-ci s’interdit de prendre toute sanction à l’égard de salariés grévistes. L’employeur s’interdit également toute mesure discriminatoire en raison de l’exercice normal du droit de grève. Par ailleurs, l’employeur a l’obligation de fournir du travail et rémunérer les salariés non-grévistes, sauf dans l’hypothèse où il est dans l’impossibilité de faire fonctionner l’entreprise (occupation ou dégradation des locaux, piquet de grève, etc). « Mais attendu que l'employeur ne peut être dispensé de payer leur rémunération aux salariés qui se tiennent à sa disposition que s'il démontre qu'une situation contraignante l'empêche de leur fournir du travail ».
D’autre
part, à l’égard des
salariés grévistes,
l’employeur peut, en principe, opérer une retenue
sur leur salaire eu égard à la suspension du contrat de
travail d’un salarié
gréviste. Cette retenue du salaire, des compléments et des
accessoires doit correspondre strictement à la durée de la
suspension du contrat. En revanche, l’employeur
a notamment l’obligation
de payer ses salariés dans l’hypothèse où la grève fait suite à
un manquement grave et délibéré à ses obligations :
« Alors que
l'exercice du droit de grève suspend l'exécution du contrat de
travail pendant toute la durée de l'arrêt de travail et délie en
conséquence l'employeur de son obligation de payer le salaire sauf
en cas de manquement grave et délibéré de l'employeur ayant
contraint les salariés à une cessation concertée du travail ».
Durant le mouvement de grève, l’employeur doit s’interdire
de remplacer les salariés grévistes et
ne peut conclure de contrat de travail à durée déterminée ou en
intérim.
Concernant la situation des salariés subissant un mouvement de grève des transports, ces derniers ne peuvent être dispensés de leur obligation de se présenter sur leur lieu de travail. Également, l’employeur n’a aucune obligation de permettre aux salariés de travailler par la voie du télétravail. Enfin, l’une des solutions envisagées est de poser des congés ou des RTT lorsque le salarié est dans l’impossibilité de se rendre sur son lieu de travail. Cependant, le salarié ne peut être contraint par son employeur en ce sens, de même que le salarié ne peut imposer des congés à son employeur. Il convient alors d’obtenir l’accord des deux parties.
Maître Justine Gibierge, avocat en droit du travail.