« Les Trente Honteuses » : de l’influence perdue de la France dans le monde arabe...

Les relations entre la France, Israël et le Liban, durant une période qui s’étend de la fin de la guerre d’Algérie à la fin de la guerre civile libanaise en 1990 n’ont jamais été simples. Le politologue Roland Lombardi décrypte pour nous, les trente années qui sonnent la fin de l’influence française dans le monde arabo-musulman en général. Par ailleurs, l’auteur nous explique comment, durant ces trois décennies, les diplomates les plus éclairés ont perdu de leur influence remplacés par des technocrates bien éloignés des réalités du terrain. Extraits de cet ouvrage référence de plus de 400 pages :




- suite au départ forcé du Shah, Khomeini raccompagné en 1979 à Téhéran,
par les autorités françaises après son exil à Neauphie-le-château -



Par ailleurs, nous avons évoqué l’influence de certains ministres des Affaires étrangères comme Jobert, Cheysson, Dumas ou encore, plus que tout autre, Couve de Murville. Nous avons même traité d’une sorte de « culture » ou de « tradition » du Quai d’Orsay. Mais, affirmer, comme le font certains Israéliens ou encore certains Juifs à travers le monde, que les diplomates du Quai d’Orsay sont antisémites puis antisionistes par culture, est une simplification abusive et aberrante. Il n’en demeure pas moins que leur «  préférence arabe » était basée sur une vision d’abord mercantile, mais aussi des paradigmes traditionnels, ancestraux certes, mais depuis, erronés, mythifiés, voire fantasmés du monde arabe.

Habités par le « syndrome de Saladin », la plupart des diplomates et des ministres qui étaient à leurs têtes, regardait le monde arabe tel un bloc monolithique et n’entendait finalement rien aux mentalités et à la psychologie des peuples arabes. Par ailleurs, ceux qui conseillaient auparavant les décideurs français, les Européens arabisants, civils ou militaires, qui étaient nés ou avaient vécu en Afrique du Nord ou au Levant et avaient une expérience réelle des Arabes, ont été, pour la plupart, écartés après la fin de la guerre d’Algérie. Durant les années qui suivirent, il semblerait qu’ils aient été peu à peu remplacés par des énarques, des technocrates, peu ou prou déconnectés des réalités de ce monde, ou des intellectuels pétris d’exotisme, de mythes et d’idéologies. Ainsi, le monde universitaire français et le milieu de la recherche sur l’islam, le monde arabe et le terrorisme, n’ont-ils pas été, depuis des années maintenant, pris littéralement en otage par ceux que Gilles Kepel nomme les «  islamo-gauchistes » ?

Comme le souligne Jacques Frémeaux, s’il existe bel et bien dans le monde arabe, « une certaine communauté de culture, de religion, d’histoire induit, entre les peuples, des liens de solidarité », l’ignorer, tout comme le surfaire, constituerait une erreur. L’historien dénonce aussi une certaine forme d’idéalisme qui a habité les diplomates français (comme trop de nos chercheurs), «  c’est-à-dire des représentations déformantes d’un monde arabe décrit comme entièrement pétri de valeurs positives, et ne faisant que réagir à des violences imposées de l’extérieur, à des héritages de la décolonisation ». Bachir Gemayel reprochait d’ailleurs aux Occidentaux de traiter avec les Syriens comme s’ils étaient des Suédois ! (…)

Il semblerait que la diplomatie française, durant les trois décennies que nous venons d’évoquer, ait agi au mépris de ces réalités. Ainsi, là où certains voyaient dans la politique française, magnanimité et subtilité, les dirigeants arabes comme israéliens d’ailleurs, eux, n’y ont vu que faiblesse et reniement… CQFD !


« Les trente honteuses »
de Roland Lombardi
préface d’Alain Chouet
ex de la DGSE
VA éditions
418 pages - 29 €