Les tâches ménagères : la persistance d'un « privilège de genre »...

Catégorie Les paradoxales

Suite à l’affaire Weinstein, François Kraus, directeur du pôle « Genre, sexualités et santé sexuelle » de l'Ifop, s’est penché sur le sujet, notamment sur l’impact au quotidien du mouvement #metoo [#balancetonporc] sur le rapport homme femme. Extraits de ses recherches :




[Dans le cadre du mouvement #metoo enclenché par l’affaire Weinstein], il est intéressant de savoir si ce mouvement de prise conscience sans précédent des inégalités hommes / femmes a eu un impact dans un domaine de la vie - le travail domestique - où les inégalités de genre ont toujours fortement résisté aux évolutions de la société. L'analyse d'une récente étude de l'Ifop montre qu'en dépit d'un idéal de partage de plus en plus égalitaire des tâches ménagères, les inégalités en la matière ne s'amenuisent que très lentement : l'absence d'équité dans la division sexuelle du travail domestique apparaissant comme symptomatique de la persistance d'un « privilège de genre » pesant tout particulièrement sur les épaules des femmes les plus modestes….

Dans les années 80, les Françaises de 18 à 60 ans vivant en couple assumaient à elles-seules 69% du temps quotidien consacré aux tâches domestiques, c'est-à-dire à la cuisine, à la vaisselle, au ménage, à l'entretien du linge, aux courses, aux tâches administratives et aux activités dites de semi-loisir. Et si on y rajoute le temps lié aux activités explicitement consacrées aux enfants , les Françaises prenaient alors en charge près des trois quarts du temps total consacré au travail domestique et parental…. 

La dernière étude de l'Insee analysant l'évolution du temps consacré au ménage et aux enfants a bien montré que les choses n'évoluaient que très lentement. En 2011, les femmes effectuaient toujours l'essentiel des tâches domestiques comme des activités parentales. Au total, la part du temps consacré au travail domestique et parental pris en charge par les femmes a donc très peu diminué, passant de 71% en 1986 à 66% en 2011….




Malgré l'inertie observée sur ce sujet au cours des trente dernières années, la question se pose aujourd'hui de savoir si le mouvement de prise de conscience sans précédent des inégalités en hommes et femmes observé depuis l'éclatement de l'affaire Weinstein en octobre 2017 a pu avoir un impact dans ce domaine…. 

Or, il ressort de cette enquête réalisée pour Consolab auprès d'un échantillon de taille conséquente, 5 026 Européennes dont 1004 Françaises, 1021 Espagnoles, 1000 Italiennes, 1004 Allemandes et 1001 Britanniques, que les inégalités de genre en la matière ne s'amenuisent que très lentement….

Symptomatique de la persistance de l'assignation des femmes à la sphère du foyer, le déséquilibre des tâches et des rôles dans la division du travail domestique est loin d'être un sujet à prendre à la légère. Véritable frein à l'émancipation féminine, l'inégale répartition des travaux entretient non seulement des stéréotypes de genre qui se reproduisent de génération en génération mais aussi le maintien des femmes les plus modestes dans une précarité économique, une dépendance financière à l'égard de leur conjoint et souvent un mal-être sentimental qui peut s'avérer délétère. En cela, la question des tâches ménagères n'est pas seulement un enjeu «  sociétal » mais aussi une question sociale qui soulève le problème des politiques publiques nécessaires pour favoriser la réduction de ces charges qui pèsent sur les épaules des femmes, notamment à travers les investissements dans les services de garde d'enfants, les infrastructures de transport ou une politique d'allongement du congé paternel.

François Kraus