L'e-commerce : caverne d'Alibaba…
Me Antoine Chéron, avocat spécialisé en propriété intellectuelle analyse la position du DGD du site « Alibaba »… Mais où sont les 40 voleurs qui pratiquent impunément la contrefaçon ?
« Alors
que le volume de produits contrefaits ne cesse de croître, Jack Ma,
PDG du géant du e-commerce Alibaba, a affirmé lors d'une
réunion avec des investisseurs à Hangzhou le 14 juin dernier que « les faux produits présentent aujourd'hui une meilleure qualité et
un meilleur prix que les vrais produits »
avant d’ajouter que ces produits sont fabriqués dans les mêmes
usines avec les mêmes matériaux que les originaux mais n'utilisent
simplement pas le même nom.
Ces propos rapportés
par le Wall Street Journal ont évidemment provoqué de vives
réactions dans le monde de l’industrie du luxe, un des secteurs
les plus atteints par la contrefaçon, et posent à nouveau la
question du rôle des plate-formes
de e-commerce dans la lutte contre la contrefaçon.
Fin
janvier, l’administration d’Etat
du commerce et de l’industrie chinoise faisait déjà publiquement
état d’une prolifération de faux, de vendeurs non-agréés et de
pratiques illégales sur les plate-formes de vente d’Alibaba, et
principalement sur Taobao. Était notamment concernée la
maroquinerie de luxe.
En mai dernier, le groupe de luxe
français Kering avait d’ailleurs porté plainte aux Etats-Unis
contre Alibaba, pour la second fois, en considérant que le groupe
encourageait la commercialisation de produits contrefaits, notamment
par la vente de mots clefs et les suggestions de son moteur de
recherche, et en tirait profit en toute connaissance de
cause.
Les méfiances à l’égard
du géant chinois sont tangibles. L’adhésion du géant de
l’e-commerce à la coalition anti-contrefaçon (Anti-Counterfeiting
Coalition Internationale) avait d’ailleurs été suspendue en
raison du retrait de certaines maisons de luxe préoccupées par la
vente de produits contrefaits sur ses plateformes.
Alors
que groupe chinois avait pourtant amorcé une opération de
communication assurant qu’il se mobilisait activement pour la lutte
contre la contrefaçon sur ses sites, le récent discours tenu par
son PDG, qu’il justifie par le nouveau business model inhérent à
Internet, suscite des doutes quant à la politique réellement
poursuivie par le groupe.
Guillaume de Seynes, président
du Comité Colbert et directeur de la maison Hermès, a alors déclaré
qu’il trouvait ces propos « consternants » et qu’ils
constituaient une atteinte directe aux droits de propriété
intellectuelle. Il avait alors souligné que la lutte contre la
contrefaçon était particulièrement difficile à mener dans la
mesure où un certain nombre de plate-formes digitales ne procèdent à
aucun contrôle des produits mis en ligne.
Simples
intermédiaires techniques, ces plate-formes bénéficient d’un
régime de responsabilité allégé. Elles ne sont en aucun cas
soumises à une obligation générale de surveillance et ne sont
tenues que du retrait des contenus illicites qui leur seraient
notifiés. Toutefois, elles pourraient être tenues pour responsables
de la mise en ligne de produits contrefaisants dès lors qu’elles
jouent un rôle actif si elles fournissent des conseils précis pour
chaque vendeur et ont une connaissance effective des annonces. En
revanche, la seule mise en place d’un système de filtrage
automatisé des contenus ne suffira pas à qualifier la plate-forme
d’éditeur de contenus et à les priver du régime de
responsabilité atténué.
Pour autant, depuis son entrée
en Bourse, le groupe Alibaba fait face à une importante crise de
crédibilité en allant à l’encontre d’une coopération efficace
pour assainir le marché. »
Me
Antoine
Cheron
docteur
en droit de la propriété intellectuelle
fondateur du cabinet
d'avocats ACBM