La France veut réguler Google...
Antoine Chéron, avocat spécialisé en propriété intellectuelle et NTIC fait le point sur la situation :
Le projet de loi pour une République Numérique parviendra-t-il
enfin à faire plier Google ? Les pratiques controversées de ce géant
américain ne finiront pas de faire couler de l’encre. Le projet de loi,
porté par Axelle Lemaire, pourrait bien contribuer à y remédier au
regard des inquiétudes formulées par le directeur général de Google
France.
Ce dernier considère en effet que le projet de loi présente un risque
« d’inflation règlementaire » lié aux différences entre ce dernier et la
jurisprudence européenne. Il est vrai que ce texte instaure une
législation plus contraignante à l’égard de Google que ce qui est
actuellement prévu au niveau européen. De cette manière, il garantit aux
internautes une protection accrue.
Il créé à charge des plateformes une obligation de loyauté à l’égard
des internautes, laquelle consiste notamment à donner davantage de
lisibilité à leurs conditions générales. Ces dernières seront tenues de
faire apparaître clairement l’existence d’une relation contractuelle ou
de liens capitalistiques avec les personnes référencées, ainsi que
l’impact de cette relation sur le classement des contenus. Ce faisant,
le gouvernement souhaite encourager la transparence des pratiques sur la
toile et notamment celles très contestées de Google au regard du droit
au respect de la vie privée des utilisateurs.
De plus, ce projet de loi met en place un droit à la portabilité
c’est-à-dire le droit pour toute personne de récupérer ses données
auprès des prestataires de services numériques en vue de les transférer à
d’autres prestataires. Il consacre également le principe de la « mort
numérique » selon lequel toute personne a le droit de décider par avance
du sort de ses données en cas de décès. Il prévoit par ailleurs la mise
en place d’une procédure accélérée pour le droit à l’oubli des mineurs.
Ainsi, il redonne à l’internaute la possibilité de gérer ses données à
sa guise et de ne plus en être dépossédé par le moteur de recherche.
L’ensemble de ces mesures s’inscrit dans le prolongement de l’arrêt du
13 mai 2014 de la CJUE reconnaissant le droit à l’oubli (CJUE, C-131/12
Google Spain SL, Google Inc./ Agencia Espanola de Proteccion de Datos,
Mario Costeja Gonzalez, 13 mai 2014). Depuis lors, Google est tenu de
retirer tout contenu portant atteinte à la vie privée de l’internaute
qui en fait la demande. Toutefois, Google a réussi à nouveau à passer à
travers les mailles du filet à partir du moment où il est seul juge de
l’illicéité du contenu.
Plus généralement, le projet de loi porte atteinte au monopole de
Google en contribuant à inverser la répartition du marché du numérique
au profit des « petites entreprises ».
Le Sénat examinera prochainement le projet de loi suite à son adoption
par l’Assemblée Nationale en première lecture, le 26 janvier dernier.
Une question reste en suspens…quel moyen trouvera Google pour contourner ce dispositif ?
Me Antoine Chéron