Gastronomie : Le sucré mis en vedette...

et porté à son plus haut niveau.

Le seizième dîner de desserts organisé par l'APRECA, association des pâtissiers de restaurant de la Côte d'Azur, aura lieu le lundi 7 mai à l'hôtel du Cap/Eden Roc d'Antibes (*). Christophe Niel, président de l’association, explique pour Paris Côte d'Azur l'originalité de cette initiative unique au monde.

- photo Pascal Lattes - Thuriès Magazine


À la création de votre association, vous aviez l'ambition de faire entendre la voix des pâtissiers, et notamment des chef-pâtissiers, que vous estimiez parfois oubliés par les médias notamment quand certains chefs-cuisiniers "tirent la couverture à eux". Vos rapports avec les cuisiniers ont-ils changé depuis lors ?


Évidemment, beaucoup de choses ont changé depuis bientôt vingt ans que l'APRECA existe. D'abord parce que nous n'avons jamais voulu prendre la place de qui que ce soit, mais juste faire reconnaître le métier de chef-pâtissier tel qu'il est pratiqué dans un hôtel ou un restaurant.


Ensuite parce que nous sommes de plus en plus nombreux sur la Côte d'Azur, que nous sommes maintenant reconnus et que nous intervenons sur beaucoup de projets : Fête des Gâteaux, Dîner de Desserts, Goûter des Enfants à l'hôpital Lenval, Agecotel, coupe du monde de la pâtisserie à Lyon...


Que pensez-vous de la présence... ou de l'absence des pâtissiers dans les désormais multiples programmes télévisés à grand spectacle consacrés à l'art culinaire ?


Ce n'est pas évident de faire une émission sur la pâtisserie comme il en existe sur la cuisine, car pour faire un millefeuille de A à Z par exemple il faut au minimum cinq à six heures, et il faut respecter des moments de repos pour la pâte feuilletée, ce qui constitue un obstacle à la diffusion.

Cependant, la première émission d'un pâtissier à la télé a eu lieu grâce à TEVA, avec Christophe Michalak tous les dimanches matin. Et ça, c'est vraiment bien !


En dix-sept ans, les mentalités gastronomiques... et diététiques semblent avoir évolué y compris auprès du "grand public". Avez-vous l'impression que l'approche de vos dîners de desserts, qui est d'éviter la lourdeur de crème et de sucre, soit mieux comprise aujourd'hui ? Ou au contraire vous faut-il convaincre encore plus une audience toujours plus méfiante face à la "chose sucrée" ?


Il est difficile de répondre en se basant sur un dîner de desserts qui n'est ouvert qu'à 160 personnes, et dont les réservations sont prises d'assaut, par beaucoup des personnes qui nous connaissent et nous font confiance depuis bien longtemps.


Mais nous faisons depuis trois ans une Fête des Gâteaux au mois de septembre (23 septembre cette année). Elle est gratuite, ouverte à tout le monde, faite pour être visitée en famille, avec plein d'ateliers pour que les enfants et les gourmands puissent réaliser eux-mêmes des macarons, des calissons et autres cup cakes... L'année dernière, c'est le grand pâtissier Pierre Hermé qui était notre invité d'honneur, 4500 personnes sont venues à notre rencontre à cet après-midi gourmand.


Le sucre complet (non raffiné), bien plus bénéfique pour la santé que le sucre blanc, demeure peu employé dans la pâtisserie-confiserie. Pourquoi ? A cause de la puissance de son arôme ? Pour des raisons de coût ?


De plus en plus de sucres "goûteux" (vergeoise, muscovado, sucre de sève de coco....) sont employés en pâtisserie pour découvrir de nouveaux goûts dans des pâtisseries traditionnelles. Car la pâtisserie revient de plus en plus sur les desserts classiques revisités dans la façon de les réaliser, mais aussi dans le goût - que l'on veut de plus en plus vrai et franc.


Fromage et dessert, c'est possible ?


Pour moi, même si nous sommes le pays du fromage, un repas n'est pas obligatoirement avec fromage mais doit être toujours avec dessert !


J'avoue que déguster un dessert, quel qu’il soit, après un roquefort, un camembert bien fait ou un pont-l'évêque qui nous a explosé les papilles n'est pas évident du tout ! J'ai travaillé récemment durant un week-end à Copenhague, où j'ai eu la chance de manger chez Noma, dont le chef René Redzepi a été élu pour la deuxième année consécutive meilleur chef du monde, et chez Geranium dont le chef Rasmus Kofoed a gagné les Bocuse de bronze, d'argent et d'or - fait unique au monde. Dans ces deux restaurants, il y a entre 20 et 25 plats, 2 ou 3 desserts... et pas de fromage !


Comment le choix des alcools d’un dîner de desserts est-il effectué ?


Nous travaillons avec le sommelier de l’Hôtel du Cap/Eden Roc, Xavier Diner, et avec le sommelier attitré de l’APRECA qui a participé à tous les dîners de desserts, Jean-Pascal Behra. Il sait comment nous travaillons, ce que nous recherchons dans un tel dîner de gala. Les erreurs de choix du passé, comme celui d'un vin trop « vin de dessert » nous servent à en tirer les enseignements. En plus, cette année, c’est un dîner de desserts tout au champagne qui, permettez-moi un avis personnel, est l’une de mes boissons préférées pour accompagner un dessert… avec l’eau !


Le déroulement du dîner de desserts, en particulier le nombre de plats, a-t-il évolué au cours des ans à la lumière de votre expérience accumulée dans ces soirées ?


Ce n’est pas tellement le nombre de plats qui a évolué au fil de ans puisque nous en avons toujours sept à déguster, mais plutôt la façon de construire notre menu comme un dîner traditionnel : entrée froide, entrée chaude, plat principal, clin d’œil au fromage, dessert au chocolat et "le café selon l’Apreca". C’est aussi la façon d'accompagner les plats avec des vins et des champagnes qui, comme dit auparavant, ne sont plus des vins de desserts trop sucrés mais des blancs secs, des rosés fruités ou des rouges suaves... pour s’harmoniser au mieux à nos desserts.


Avec ce prochain dîner "tout champagne", c’est la même chose, puisque nous avons de grandes cuvées de champagnes blancs, rosés ou demi-sec.


Les retours d'opinion de votre public ont-ils fait évoluer vos pratiques et vos recettes ?


Il est toujours intéressant d’être à l’écoute des personnes qui dégustent nos desserts dans chacun de nos restaurants respectifs. Mais lors d’un dîner de desserts, c’est nous et nous seuls qui décidons du menu pour nous faire plaisir dans des desserts uniques... que nous ne ferions pas dans nos hôtels, mais qui vont si bien ensemble dans un dîner de desserts.  


  • (*) 35 pâtissiers à l'œuvre. Invité d'honneur : Jérôme Chaucesse, chef-pâtissier du Crillon à Paris. Parrain : Christian Garcia, chef des cuisines du Palais princier de Monaco. Prix : 110 € par personne. Réservation par le site de l’association.