L’affaire DSK où le « syndrome du Parrain »...
Comment on peut être un bon directeur du FMI et un moins bon mari, voire un présumé délinquant sexuel...
Il semble établi que Dominique Strauss-Kahn était, puisqu’il a démissionné de toutes ses fonctions, un bon directeur du Fonds Monétaire International. Un excellent même, aux dires de nombreuses personnalités faisant autorité. Compétent, négociateur hors pair, séducteur (trop peut-être), l’avenir lui souriait et il s’apprêtait, tout le laissait croire, à solliciter du Parti socialiste le droit de le représenter à l’élection présidentielle. Une voie qui s’annonçait… royale même si avec un François Hollande remonté à bloc, rien n’était vraiment gagné. Face à Nicolas Sarkozy, il aurait eu, dans le cadre des débats télévisés, toutes ses chances d’impressionner l’auditoire, surtout sur des dossiers touchant à l’Économie… et de marquer des points décisifs dans l'opinion publique.
Si sur le point fondamental de l’accusation, la séquestration et le viol, rien n’est définitivement prouvé, il semble que l’accusation ait des munitions. Il est difficile d’imaginer, sauf si on privilégie la conspiration politique ou l’appât d’un gain pour la plaignante, qu’il n’y ait pas de fumée sans feu. Beaucoup de journalistes qui l'avaient approché témoignent maintenant et se reprochent maintenant de n'avoir pas suffisamment évoqué ce sujet, certes délicat. Cela eut été sans doute un service à lui rendre. DSK avait déjà défrayé la chronique, déclarer alors qu’il était « séducteur » est une litote pour dire que son comportement avec les femmes frisait parfois le harcèlement. Une pathologie ou une simple mais déplaisante culture du machisme ordinaire ? Seuls ceux et celles qui l’ont côtoyé ou le côtoient, pourraient donner leur version. À l’heure où j’écris, il apparaît que la défende de DSK s’achemine (à la lumière des preuves récoltées dans la chambre) vers le schéma d'une relation consentante. Mais si cela arrivait à être démontrer (entraînant la libération de l’inculpé), DSK resterait néanmoins marqué par ce comportement inadéquat, extrêmement préjudiciable aux yeux de ses partisans qui ne pourraient plus ouvertement le soutenir ainsi que du public. La tentative… maladroite de certains des amis de DSK de minimiser les présumés faits de harcèlement a provoqué illico l’ire d’associations féministes en France.
DSK a, quoi qu’il arrive, tout perdu et l’honneur. S’il est vraiment coupable de ce qu’on lui reproche, le viol, comment pourra-t-il faire face à son accusatrice, la traiter de menteuse et se regarder ensuite, chaque matin devant la glace ? Il lui reste plus qu'à défendre sa liberté, celle d’aller à sa guise, de voir ses enfants quant il le veut, de voyager… tous ces actes qui semblent un dû. Une liberté chère, car les avocats new-yorkais sont aussi efficaces qu'ils sont hors de prix, connus pour permettre à des gens comme OJ Simpson de passer à travers les… mailles du filet. À ce jeu là, les pauvres ne font pas le poids ; ils sont bien incapables de payer des enquêteurs privés pour se défendre, même si la loi leur fournit gratuitement un avocat, un stagiaire, souvent à peine plus riche qu’eux. pour aller
« Liberté, égalité, fraternité », ces concepts abstraits qui ont bâti les fondements philosophiques de notre République et de notre société, ont été là-bas sûrement bafoués. Où est l’égalité entre un patron d’une des plus grandes institutions internationales et une femme de chambre qui a du mal à joindre les deux bouts ? Où est la fraternité entre un homme de 62 ans, aux cheveux blancs, considéré hier comme le plus puissant au monde derrière Barak Obama, et une jeune femme de 32 ans, noire, à qui on demande avec plus ou moins de persuasion de se prêter à un jeu sexuel ?
La justice américaine est effrayante, c’est un amateur de séries télévisées qui le dit. Elle n’y va pas avec le dos de la cuillère et si, dans un premier temps, elle se montre intransigeante avec les suspects, le système est loin d'être parfait. Combien d’innocents dans ses prisons et les couloirs de la mort ? Combien de coupables libérés grâce à des ténors du barreau, payés des fortunes et qui sont capables de négocier les peines et les acquittements les plus incertains ? DSK traité comme un justiciable ordinaire ou presque (il a eu quand même droit à une cellule personnelle), cela peut être vu comme une bonne chose et rétabli un peu d’égalité dans la balance. Les hommes de pouvoirs, petits ou grands, chefs d’entreprise, chefs de service, chefs tout court, se croient souvent tout permis ; passe-droit, on se fait retiré les PV, on abuse de ses privilèges, on fait pression pour obtenir ce qu’on veut, on se montre s'il la faut persuasif, jusqu’à parfois exiger un droit de cuissage. Jean-François Kahn, le patron de Marianne, parlait de troussage de domestique, laissant entendre que ce pouvait être une pratique excusable. Ne nous voilons pas la face, ça existe ! DSK a-t-il abusé de sa situation, une situation conférée par le pouvoir avec un grand P, s’est-il cru hors d’atteinte ? Nous le saurons peut-être un jour. Quoique ! Il n'est pas interdit de penser qu’il se résolve à plaider coupable (cela dépendra de la gravité des chefs d’inculpation), indemnise la victime et s’en tire avec une tape sur les mains et quelques mois passés dans une prison de luxe ou en résidence surveillée. Il pourra toujours dire que s’il a plaidé ainsi, c’était la seule façon pour négocier une condamnation au rabais et non pas parce qu’il a fait ce dont on l’accuse. En effet, en agissant ainsi, et on peut le faire à n’importe quel moment du procès, c’est le juge qui décide de la sentence. Elle est le plus souvent allégée.
L’affaire DSK amène aussi à réfléchir sur l’être humain et sa tendance naturelle à la fragmentation de sa personnalité. Parrain de la mafia, il va à l’église le dimanche pour se confesser et envoie ses enfants dans les meilleures écoles ; artiste de génie, il abandonne sa famille, tel Van Gogh ou conduit son fils au suicide, comme Pablo Picasso ; président respecté (Mitterrand, Clinton…) et donneur de leçon, il se laisse aller à commettre l’adultère ; prêtre, il monte en chaire pour nous exhorter à obéir aux dix commandements et ne peut gérer ses propres pulsions sexuelles ; directeur du Fonds monétaire international… La liste est longue de ses écarts de conduite que la morale et la religion réprouvent. Chacun d’entre nous n’entretient-il pas d’ailleurs de petites ou de grandes ambiguïtés en ce domaine, installant plus ou moins de distance entre « ce que je dis de faire et ce que je fais », trouvant les meilleures raisons du monde à nos actions les moins justifiables ? Mea culpa, maxi culpa !
Cette schizophrénie ordinaire, que nous en soyons les propagonistes ou les victimes, peut prendre des aspects dangereusement pathologiques. Religions, religare, relier… beaucoup de penseurs et de psychologues y ont réfléchi et nous invitent à relier les parties au tout. Cette recherche de l’unité entre le corps, l’esprit et l’âme est sans doute ce qu’on a fait de mieux dans ce domaine. Quelques yogis, quelques saints, y sont sans doute parvenus et atteints une sorte de nirvana. C’est bon de le savoir !
Alain Dartigues