Le nucléaire : à l’heure du démantèlement…
EDF demande une rallonge...
Le lobby du nucléaire a longtemps affirmé que l’électricité issue des ses usines était la moins chère et, lorsque le temps de comptabiliser les dépenses en carbone est arrivé, le nucléaire était évidemment l’énergie qui en produisait le moins…
Mais rien n’est aussi simple. Sur le dossier du coût réel, c'est-à-dire le coût caché, il serait temps de prendre vraiment en compte les coûts induis par le démantèlement des usines, auxquels il faut ajouter ceux du traitements des déchets dont on sait qu'ils plomberont les fiances des collectivités pendant des siècles. Si le public, bien qu’alerté par divers groupes d’environnementalistes et d’écologistes politiques, a bien été prévenu des dessous du dossier, il ne voulait voir que les conséquences sur leurs finances à la fin du mois. Il est vrai qu’alors, cette énergie était si bon marché qu’on encourageât par des campagnes de communication appuyées, les Français à s'y convertir, pour le chauffage individuel par exemple. Une énergie suffisamment abondante aussi pour qu’on puisse en vendre à nos voisins européens.
Le lobby du nucléaire s’était bien gardé d’insister sur la partie démantèlement. Pourtant, ses responsables savaient parfaitement que les usines avaient une durée limitée, qu’il faudrait un jour prochain arrêter la production, geler les espaces sur lesquels les usines étaient construites et veiller pendant bien longtemps sur ces lieux contaminés. Avec à la clef, un coût qu’il aurait fallu tout de suite répercuter sur la facture des utilisateurs (ce qui aurait rendu évidement son usage tout azimut moins incitative). EDF avait même signé un contrat indiquant clairement la date d’arrêt de ces usines nucléaires.
À la veille de ces fermetures programmées, EDF nous dit qu’il serait bon de prolonger la vie de ses centrales qui, au fond, peuvent encore produire de l’électricité dans des conditions de sécurité… acceptables. La compagnie demande maintenant à l’État une rallonge de cinq ans, durée qui devrait lui permettre de mettre de côté l'argent nécessaire au… démantèlement des dites centrales nucléaires. C’était donc ça ! La raison serait d’ordre financier. Il n’y a plus d’argent dans les caisses et l’électricité, issue chez nous de l’atome pour plus de 75 %, risque bientôt de coûter très chère. Car l’État, qui mettait chaque fois qu’il le fallait discrètement la main à la poche, ne le peut plus dans le contexte de l’ouverture européenne du marché. Ce sera donc aux consommateurs de payer.
Si l’on entre un peu dans le détail, on apprend qu’en vertu de « la loi Birraux de 2006, l'entreprise a jusqu'en juin 2011 pour se constituer un portefeuille d'actifs dédiés, dont la vente progressive doit permettre de payer la déconstruction des centrales, le stockage… définitif des déchets atomiques, et la gestion du combustible usé. » Or, fin 2009, ce portefeuille valait 11,4 milliards €. Insuffisant au regard du coût total évalué à 16,9 milliards.
L’État semble convaincu de l’intérêt de prolonger le service des centrales. D’autres pays s’inscrivent dans cette même logique et sont prêts à parier sur la sécurité de leurs centrales nucléaires vieillissantes. Pourtant prolongation ou pas, le démantèlement est une nécessité et ce n’est pas une mince affaire. Preuve en est, l’avis défavorable au projet, présenté par EDF, de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement complet de la centrale nucléaire de Brennilis dans le Finistère. La commission d’enquête a en effet, à l’unanimité, émis un avis défavorable sur la poursuite de l’opération. Elle demande que l'entreprise complète avant tout « l’inventaire de l’état initial, radiologique et chimique du site, termine les opérations de démantèlement de la STE, assainisse et comble le chenal de rejet des effluents sans l’Ellez, ainsi que les zones de pollution diffuse, engage le démantèlement des échangeurs après leur caractérisation radiologique. » La commission juge nécessaire de faire procéder à des expertises contradictoires. De même, de tenir informer la population concernée sur l’évolution de la situation et d’organiser un débat public national sur le démantèlement des centrales nucléaires.
Si cette dernière demande semble, dans un état démocratique, logique et souhaitable, sera-t-elle pour autant productive ? On l’a vu plus haut, le public et les élus de proximité, ont tendance à privilégier le court terme. Ce que demande la gestion du dossier du nucléaire civil comme militaire, c’est une vision à long terme. Dans la situation de crise que nous vivons et qui n’est pas prêt de se terminer, c’est un effort dont bien peu semblent capables…
Alain Dartigues
- mention : www.pariscotedazur.fr - mars 2010 - magazine fondé il y a cinquante ans… - écrire au journal, se désabonner -