Dernier inventaire avant liquidation pour Édouard Baer !

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Catégorie Les Arts au soleil

La pièce Miam Miam à table du comédien français sert ses derniers clients au Théâtre Marigny !

La mode de la « télé à table » est-elle difficile à digérer ? Le récent engouement pour la nouvelle émission de M6 et de Cyril Lignac, M.I.A.M et la future déferlante de « MasterChef », nouvelle émission de formation de télé réalité de TF1 semblent cantonner la gastronomie à un divertissement à fort potentiel d’audimat.

Pourtant avant d’être un business, la cuisine est avant tout un art, un art que le regretté Bernard Loiseau avait défini comme « l’endroit de détente et de convivialité par excellence… C’est pourquoi, il faut également utiliser son imagination pour venir compléter les efforts de la cuisine. » Le cinéma a, lui aussi, à de multiples reprises célébré la restauration : à l’américaine pour « Mystic Pizza », en province pour « la cuisine au beurre » ou dans la gastronomie de luxe récemment par Disney dans « Ratatouille » ou plus anciennement dans « le Grand Restaurant. »

Le nom de ce dernier alliant tradition française et dignité culinaire a inspiré plus d’un artiste désirant cette filiation comique. C’est le cas de Pierre Palmade qui, entouré d’une clientèle de renom, proposera une comédie atypique ce 20 février à heure de grande écoute. Parmi ce casting de choix regroupant Pierre Richard, Virginie Hocq ou encore Gérard Depardieu, Édouard Baer fait office de vieil habitué du comique de table.

Car depuis le mois de décembre, c’est aussi dans le cadre d’un restaurant fictif, dans sa pièce « Miam Miam » que l’acteur dandy au débit incessant officie. Le public bobo parisien du Théâtre Marigny de Robert Hossein se délecte des chocolats de dégustation, excellentes mises en bouche pour le spectacle gustatif du soir, sur un fond musical fait de reprises old school de Marvin Gave, à la mode « Paris Dernière ».

Le spectateur qui pense s’installer dans un fauteuil grenat pour un spectacle confortable regrettera sa soirée car l’intrigue du spectacle rebondit de surprises en surprises ! Dès la première seconde, l’étonnement est au rendez-vous : dans un décor rudimentaire aux rideaux roses et bleus, une soubrette, comme dans les images d’Épinal, se trémousse dans un salon rococo, plumeau à la main, entre des objets vintage : téléphone ancien et chandelier art déco. C’est dans ce décor fantasmagorique que l’auteur de la pièce, Édouard Baer et son partenaire, Philippe Duquesne font irruption bruyamment en robe de chambre de théâtre de boulevard.

Quelle mouche a piqué l’ancien animateur de Canal + pour lui faire claquer les portes et aligner les gags de potache ? La caricature de cette mise en scène de série B. prend vite fin car les acteurs se lassent eux-mêmes de cette mauvaise pièce qui n’est suivie que par un spectateur endormi. Ce théâtre désert, il faut bien lui trouver une utilité ! Par une suite de quiproquos, il est si facile de le métamorphoser et de le louer en tant que salle de restaurant. Et là, peut enfin commencer le grand déballage du gigantesque désordre organisé par Édouard Baer et sa troupe.

Le spectateur ne devra pas s’étonner de voir se ruer sur les planches : des hommes mystérieux et patibulaires, des techniciens désabusés, des figurantes en quête de grand rôle, des marionnettes naines suédoises, un cochon et même un chien ! Au milieu de tout ce défilé, Édouard Baer emmène sa troupe dans des entretiens d’embauche à la façon casting sauvage et émissions de retrouvailles pour faire pleurer les ménagères de 50 ans.

Il semble que l’expérience de voix off dans les Herbes Folles ait donné des idées à Édouard Baer pour narrer ces différentes histoires de façon originale. Car, en plus, d’exceller, comme à son habitude, dans des monologues obscurs, interminables et hilarants, l’ancien trublion du Paf collabore, comme il l’avait fait sur Radio Nova, avec son frère Julien, pour agrémenter la pièce de chansons de sa composition. Ces allures de comédie musicale rendent l’ensemble de la représentation encore plus hermétique mais tout aussi désopilante.

Car que faut-il comprendre de cette pièce au final ? Que l’ouverture de son restaurant, «Les Parisiennes », et l’observation de ses habitués ont énormément inspiré le comédien bavard qui s’attarde parfois sur des clients atypiques dans une galerie de personnages contemplatifs, scientifiques mais réalistes. Quand apparaît le mot « faim », on reste un peu sur sa « faim » quant au point final de la scène.

Comment se passe ce dîner et qui sont les invités ? Personne ne le saura, la pièce garde bien ses secrets derrière le rideau rouge. Faut-il aller voir la nouvelle pièce d'Édouard Baer ?… « Miam Miam » possède plus de créativité que ses pièces précédentes, « La Folle et Véritable Vie de Luigi Prizzoti » et « Looking for Mr Castang » mais pêche là où les autres avaient des difficultés : l’histoire. La trame a-t-elle, au fond, une importance cruciale ? Si peu… si on aime les délires spirituels et verbaux de l’acteur mais… énormément si le désir d’assister à un divertissement captivant est plus important que le rire communautaire.

Quoi qu’il en soit, la pièce propose une bonne définition de la restauration à la française : de la diversité, de la bonne humeur et de la générosité gustative et poétique. Le comédien, nouveau patron de restaurant n’allie-t-il pas lui-même la gourmandise des mots et des mets que le journaliste et romancier Yvan Audouard avait théorisé ainsi : « Les vrais gourmands lisent en remuant les lèvres, pour déguster les mots ? »