Cinéma : Les Héroïnes romanesques ont droit à leur heure de gloire !

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Même pendant le Festival de Cannes, Sœur Sourire et Coco Chanel se disputent les amateurs de « biopic ».

Les Féministes peuvent remonter leurs jupes et foncer au cinéma, les femmes sont enfin à l’honneur ! Ce ne sont pas les plus conservatrices et dociles qui inspirent les réalisateurs, chacune a voulu révolutionner son domaine d’activités et plus généralement la société.

Vouloir porter un complet veston à l’heure des robes à crinoline n’était pas ambitieux mais totalement inimaginable au début du XXème siècle ; pourtant Gabrielle Bonheur Chanel dite Coco Chanel ne s’entendait pas dicter sa loi vestimentaire. C’est grâce au caractère novateur de la créatrice de mode qu’Anne Fontaine a composé son film « Coco avant Chanel » avec la candide et actrice hors pair Audrey Tautou.

La nouvelle égérie de la marque dont le talent n’est plus à prouver nous étonne encore à passer de la frêle et volontaire Camille d’ « Ensemble, c’est tout », à la forte et déterminée Gabrielle. Une adaptation cinématographique n’est jamais chose facile, rarement une grande réussite. La réalisatrice de « La fille de Monaco » restitue-t-elle bien sur le grand écran l’ascension de la styliste de l’« Irrégulière » d’Edmonde Charles Roux, ancienne rédactrice de « Vogue » ?

Si on savoure la restitution parfaite de l’époque par les accessoires, les décors, et bien sûr, les costumes, on s’interroge sur le fond du film : en a-t-il un ? Car sous des traits et des plans plutôt esthétiques, on arrive à s’interroger sur le genre « biopic » et à répondre à la sempiternelle question : doit-on filmer la vie de quelqu’un ou son parcours professionnel ? Les films biographiques précédents ont mêlé, plus ou moins habilement, la vie privée et les feux de la rampe mais il est cependant plus facile de filmer un musicien comme Ray Charles dans « Ray » que l’apprentissage d’une modiste ! On comprend, certes, que sa vocation de styliste n’a eu raison d’être que par ses rencontres, principalement masculines mais on reste un peu sur sa faim quant au développement de l’entreprise Chanel. De plus, l’effervescence autour du personnage de Coco peut agacer : en attendant l’idylle filmée entre la styliste et le compositeur Igor Stravinsky en fermeture du Festival de Cannes, on se souvient du télé film sur le premier amour de Coco et subitement, le film d’Anne Fontaine nous paraît fade.

Un même personnage donne-t-il forcément vie à la même histoire ? Pas forcément si on pense à l’extraordinaire imagination et aux mensonges prolifiques de Chanel sur sa vie ; quand on prétend raconter la biographie de quelqu’un, il faut s’adapter à son caractère. C’est principalement sur ce point là que la réalisatrice tire son épingle du jeu car elle a retenu la pudeur de son personnage principal. Souvent manipulée, elle n’en reste pas moins pugnace et fait volontiers silence sur ses aventures ; ses tristesses dissimulées sont aussi perceptibles dans le film comme pour la mort de son grand amour Boy. Ce parti pris moins fleur bleu chagrinera sans doute la ménagère de 50 ans !

Au final, on retient que ce typique film français esthétique est un peu à l’image de l’héroïne : tout en retenue mais on reste un peu insatisfait, car la pudeur n’est, cependant, pas un vrai spectacle.

C’est la pudeur que l’on retrouve dans « Sœur Sourire » de Stijn Coninx mais, à croire que les films belges sont meilleurs que les français… là où le film d’Anne Fontaine pêche, celui du réalisateur belge triomphe. Basée sur le trop méconnu personnage de Jeanne-Paule Marie Deckers dite Sœur Sourire, l’histoire est plus le portrait d’une époque et de milieux divers que le parcours d’une bonne sœur devenue « star ».

Cécile de France exulte en nonne révoltée et fait au couvent un duo assez atypique avec l’ex Tatie Danielle, Tsilla Chelton étonnante dans son rôle de méchante ! La vie de Sœur Sourire ne se résume pas au succès international de « Dominique », abandonnée par le clergé et le public. Jeanne Deckers finira avec son amie Annie, dans l’alcool et les médicaments, minée par ses dettes. La célèbre sœur aura le temps avant de mourir de composer une chanson favorable à la contraception, au grand dam de l’Église !


Le film insiste autant sur les succès que sur les échecs mais aussi sur l’orgueil démesuré de la nonne chantante. N’est pas artiste qui veut ! Le buzz peut exister, certaines personnalités sont toujours en quête de renommée ; de quoi réfléchir sur les « stars kleenex » de la télé réalité !

Si Audrey Tautou va d’adaptation en adaptation de livre, Cécile de France peut, elle, se vanter d’avoir joué un personnage bien inspirant en littérature ! Claire Guenzengar, aux éditions Léo Scheer, s’intéresse à la religieuse chantante dans « Sister Sourire, une pure tragédie ».

Loin d’être biographique, le roman relativement court a des airs de document, reportage. N’accordant qu’un bref épisode au succès de « Dominique », le livre s’intéresse plus à la destinée d’une personnalité hors du commun que l’auteur n’hésite pas à élever au rang de star.

L’expression très libre de la soi-disant sœur et son incompréhension de la société la font directement rentrer dans la lignée des rocks stars qui tenaient leur journal… à la manière d’un Kurt Cobain ! Vainqueures ou victimes de leurs milieux, les filles en marge ont le vent en poupe. Les Amy Winehouse nous rappellent encore de nos jours que le marginalisme est en vogue !