Le Tibet : une menace pour les JO de Pékin.
Sport et politique, sport ou politique…
La proximité des JO de Pékin est peut-être une opportunité pour faire avancer le dossier du Tibet. Suite aux graves incidents survenus dans la capitale, Lhassa, les réactions ne se sont pas fait attendre. Les partisans de l’indépendance de cet état qui fut envahi par la Chine en 1950, et les défenseurs des droits de l’homme, ont vite évoqué un boycott possible des Jeux.
Il faut se rappeler que le boycott fut utilisé à de nombreuses reprises au cours de l’histoire olympique. On peut même remonter aux Jeux de 1896 ; la Turquie refusa d'y participer, compte tenu du conflit qui l’opposait à la Grèce. En 1956, 68, 72 et 76, quelques pays furent volontairement absents. À Montréal, 21 pays africains et le Guyana manquèrent à l'appel. En 1980, c’est plus sérieux, les USA et 64 délégations boycottent les Jeux de Moscou, à cause de l'invasion soviétique en Afghanistan. La France fait comme si de rien n’était…. Retour à l’envoyeur, la Russie et ses alliés ne seront pas du voyage à Los Angeles, en 84… En 88, c’est au tour de Cuba, de l’Ethiopie et du Nicaragua de se distinguer en boudant les Jeux de Séoul. Tout le monde s’en moque…
Vingt ans ont passé et rebelote. Le monde sportif se trouve confronté à une nouvelle crise. N’ira pas, ira ? Les avis divergent. « Reporters sans frontières » n’y va pas par quatre chemins. Pour cette organisation non gouvernementale, la Chine est la plus grande prison du monde pour les journalistes et les internautes. Elle a bien l’intention de profiter de l’occasion pour pousser des pays à ne pas faire le déplacement et à prouver ainsi toute l’importance qu’ils attachent aux Droits de l’homme, à démontrer de cette façon, non-violente, leur indignation sur ce qui se passe au Tibet où l’on compte déjà une centaine de morts et combien d’emprisonnements…
Les sportifs et leurs fédérations sont pris en otage. Pourquoi pas après tout. Tout se tient dans notre monde. Les Tibétains morts n’ont-ils pas une valeur, le problème du Tibet n’est-il pas significatif, les pressions qui pourraient s’exercer à l’occasion des Jeux ne serviraient-elles pas une bonne cause ?
Rappelons-nous aussi des Jeux de Berlin, en 1936. Même si les performances du sprinter noir, Jesse Owen, prirent de court Adolf Hitler, ces Jeux furent un hymne à la puissance grandissante du IIIème Reich. Quelques pays s’essayèrent bien à organiser le boycott. Sans succès. Des Jeux propagandes, xénophobes, antisémites, tout à la gloire du régime nazi et de la supériorité aryenne…
Quel aurait été l’impact d’un boycottage massif ? Quel « effet papillon » aurait-il eu sur la suite des événements ? Certes, on ne refait pas l’histoire mais aujourd’hui, c’est de la Chine dont il s’agit et de nous. L’éventualité d’un boycott est-elle une bonne idée ou une mauvaise ?
Steven Spielberg a vu le vent venir et les nuages s’amonceler à l’horizon. Il n’a pas attendu que les choses se gâtent au royaume du Bouddha. La crise du Darfour et l’attitude du gouvernement chinois, l’ont convaincu qu’il n’avait rien à faire dans cette galère. Il a quitté le navire avant qu’il ne sombre en cessant sa collaboration artistique pour les cérémonies d'ouverture et de clôture des Jeux… Il a peur que, comme en 1936, elles soient l’occasion de magnifier un régime politique encore loin de vivre à l’aune de nos principes démocratiques… Peur que nous soyons éblouis par les paillettes, rendus complices à notre insu, oubliant l’essentiel.
Jusqu’à présent, le monde du sport dit non au boycott. On comprend bien pourquoi. Les intérêts économiques sont considérables. Les sportifs de haut niveau ont la tête dans le guidon, les fédérations veulent voir leurs efforts rapporter des médailles, les « équipementiers » des retours sur investissements et l’ouverture sur de juteux marchés… Où est la conscience politique dans tout ça ? Assez diluée, il faut bien le dire. On se trouve toujours de bonnes raisons pour expliquer notre peur de l’inconnu, nos hésitations, notre manque de courage…
Pour notre secrétaire d’Etat, Bernard Laporte, « il ne sert à rien de boycotter les Jeux ». Cela a pour effet de punir les athlètes et ne résout rien. « Ce n’est pas une manière approprié », ajoute-t-il. Même le projet, évoqué par certains sportifs de ne pas participer aux cérémonies ne trouve pas grâce à ses yeux.
Plus près de chez nous, Lionnel Luca, député et Conseiller général des Alpes-Maritimes, dont on connaît l’engagement, n’est pas convaincu de l’intérêt de la chose. Il est de ceux qui pensent que c’est en participant aux JO qu’on pourra aider à faire bouger les choses. Il se range à l’avis du Dalaï-lama qui ne souhaite pas qu’on en arrive à cette extrémité. Il évoque la possibilité d’arborer lors des Jeux, au revers de son habit le drapeau du Tibet, au risque d’être condamné à trois ans d’emprisonnement : c’est le tarif là-bas !
À défaut d’autre chose…
Alain Dartigues
- mention : www.pariscotedazur – mars 2008 - - écrire au magazine, s'abonner, se désinscrire -