Mougins : Diane Tremblay, une étoile québécoise de la gastronomie

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parmi les 100 chefs invités pour le Festival de septembre…


- le maire de Mougins, Richard Galy, en cravate, Marc Veyrat enchapeauté et Diane Tremblay, en vert…

Elle est venue sans complexe, de son Chicoutimi natal, se joindre à la centaine de chefs venus du monde entier à l’occasion des « Etoiles de Mougins ». Pourquoi en aurait-elle eu d’ailleurs, elle qui a passé 25 années derrière les fourneaux ? C’est là qu’elle a fait ses classes, toute seule ou presque, à inventer ce qu’on ne lui avait pas appris. C’est là qu’elle a prouvé qu’elle avait les qualités et les compétences nécessaires pour jouer dans la cour des grands. C’est là qu’elle a acquis une réputation qui dépasse maintenant les frontières du Québec et du continent nord-américain. Preuve sen est son restaurant « Le Privilège », ouvert en 1993 et le prestigieux prix du Meilleur livre de cuisine du monde dans la catégorie Femme Chef, pour son livre « Un Privilège à votre table », décerné en 2006, à Francfort.

Cette reconnaissance elle l’a obtenue aussi en faisant l’effort d’aller vers les autres car les autres viennent rarement à nous… En conséquence, elle a pris son bâton de pèlerin et on l’a vue en Allemagne, à Paris et même plus récemment en Turquie. C’est durant les Etoiles de Mougins, du 20 au 22 septembre dernier, que nous l’avons rencontrée. C’est très décontractée qu’elle a passé l’examen d'entrée en réalisant sa recette devant un public attentif et exigeant et sous les regards curieux de ses pairs.

Dressant le bilan de son expérience mouginoise, elle n’a pas tari d’éloges vis-à-vis des organisateurs. Accueil parfait, somptueux même. Logée au Mas Candille, elle était aux premières loges et a su profiter des conseils de Serge Gouloumès, de son second de cuisine ainsi que de son chef de la restauration. Elle s’est trouvée aussi quelques affinités avec le jeune chef français, David Royer, installé en Finlande où il fait une belle carrière.

« Mon expérience à Mougins fut très enrichissante, j’ai eu la confirmation que les chefs sont des gens très ouverts. Je crois qu’il est terminé le temps où nous étions dans nos cuisines à échanger difficilement nos connaissances et nos compétences. Ce travail est également déjà amorcé au Québec, via les rencontres de chefs, les concours, les émissions télévisées culinaires… ». Elle constate que les chefs ont les mêmes objectifs en commun : « la transformation d’un produit de qualité tout en lui gardant son authenticité, sa spécificité et en respectant les producteurs œuvrant derrière ».


- Diane au piano - photos © Pierre Remond -

Allant plus loin dans la confidence, Diane Tremblay nous a confié sa nouvelle orientation et ses nouveaux projets. Diane est en recherche, elle ne veut pas réduire la gastronomie à la cuisine et aux recettes que les chefs réalisent. C’est pour cela qu’elle a, dans le cadre de l’Université du Québec à Chicoutimi, ouvert un laboratoire. Des nutritionnistes l’accompagneront bientôt dans sa quête et dans son désir de communiquer au plus grand nombre les résultats de son ambitieuse entreprise. Elle veut approfondir les liens entre l’alimentation et les ressources du terroir, le tout en tenant compte des connaissances scientifiques accumulées. Le goût, ou plutôt les cinq sens, mais la santé aussi. Un souci qu’elle a toujours eu en perspective, par exemple en donnant toute son importance aux cuissons courtes et bannissant les fritures.

Fini le temps des tourtières, des ragoûts de pattes de cochon, des fèves au lard, de la soupe aux pois, des cipailles… plats traditionnels dont la richesse et il faut bien le dire, la lourdeur, se justifiaient davantage à l’époque où les bûcherons défrichaient les forêts de la Nouvelle France qu’aujourd’hui… On l’aura compris on est ici dans le domaine du slow-food, à des lieues du fast-food.

Travailler et valoriser les productions du terroir, voilà une partie de la grande œuvre. Diane met le plus possible en avant les produits de saison et de proximité ainsi que les petits producteurs qui font du bio ou du « raisonné ». La venaison a sa place qui est royale car il n’est pas question de gibier d’élevage. Cerf rouge, wapiti, faisan, canard… se retrouveront un jour ou l’autre au menu.

Autre domaine qui a gagné depuis peu ses lettres de noblesse, le fromage, longtemps ignoré dans l’alimentation des Québécois, de petits fromagers font maintenant des merveilles et déclinent fromages à pâtes molles, cheddars rustiques, parmesans, brebis et chèvres au lait cru, fromages en grain…

Quant aux petits fruits sauvages rouges ou noirs qui viennent en sauces ou en déserts apporter leur saveur acidulées et sucrées, ils ne manquent pas. Bleuets, argousiers, amélanchiers, canneberges, gadelles, chicoutés, framboises, aronies, cerises à grappes, raisins, roses, chèvrefeuilles comestibles, camarines, mûres, cassissiers, viornes et pommettes… On a l’embarras du choix.

Pour ce qui est des légumes qui ne poussent pas toute l’année dans un pays où l’hiver triomphe, la diversité est pourtant là. Il suffit pour s’en convaincre de faire un tour au Marché Jean Talon, à Montréal. Les pommes de terre, les carottes et les choux s’y déclinent en couleurs, en formes, en textures. Bien sûr il faudra passer par le congelé, les conserves, les confitures, les fruits séchés et, hors saison, chercher plus au Sud, des produits frais et exotiques…

À cette lecture, la richesse de la Belle Province semble tout d’un coup inépuisable. Nul doute que Diane a du pain sur la planche et qu’elle nous reviendra, à Mougins, rendre compte de ses fructueuses recherches.

  • à visiter ici le site de son restaurant « Le Privilège », à Chicoutimi.