Cannes : un palmarès consensuel.

Tout le monde il est beau, tout le monde il est récompensé…

- la Palme Chopard au Dardenne de Roumanie :
   Cristian Mungius -

Rarement un Palmarès fut à Cannes aussi consensuel et sans saveur. Pas de sifflets, pas de contestation, le public, les critiques n'y trouvèrent rien à redire. Il semble que dans le jury, ce fut une autre histoire. Chacun défendit pied à pied son petit chéri. Raison sans doute pour distribuer une part du gâteau à tous ceux qui avaient gagné le cœur des jurés.

Ce ne sont pas les grands qui ont moissonné. On le savait déjà, Tarentino, les frères Cohen ou encore Wong Kar-waï n'étaient pas dans les favoris. Il est vrai qu'ils ne s'étaient pas trop foulés et surtout n'avaient pas réalisé un film comme le Festival les aime, dans le genre intello et ennuyeux - j'exagère à peine. Kusturica ne fera sans doute jamais la passe de trois… Palmes d'or. Mais, il ne faut jamais dire jamais, les artistes sont imprévisibles et leurs inspirations capricieuses.

La manifestation joua beaucoup sur son pseudo anniversaire. On sait que ce 60 ne signifiait que ce qu'on voulait bien qu'il signifiât, tout juste un prétexte pour faire un peu plus… parler d'elle. Il y a tant de films à voir, de vedettes qui se montrent et montent les marches, de paillettes et de strass, de feux d'artifices, de polémiques à entretenir…

Quant à la cérémonie elle-même, elle fut bien tristounette. Ni Diane Kruger, qui bafouilla gentiment, ni Jamel Debbouze l'amuseur de service, ni encore moins Alain Delon venu faire le paon et nous faire croire qu'à lui tout seul, il représentait le cinéma français, ne vinrent éclairer cette soirée. Jane Fonda, toujours en promo pour quelque chose, lut son texte peut être écrit par quelqu'un d'autre. L'ennui suintait, l'assistance applaudissait poliment… dans son coin, les jurés, dociles et terriblement silencieux, juraient mais un peu tard qu'on ne les reprendrait plus… Les lauréats aussi firent preuve ( était-ce seulement dû à l'émotion ? ) d'une platitude incompréhensible – on était loin des débordements affectueux de Benini

Reste bien sûr les films. Le public sera-t-il au rendez-vous pour apporter aux auteurs, aux réalisateurs, aux acteurs, autre chose que quelques fugitives minutes de gloire sur une estrade en trompe l'œil et leurs noms inscrits sur les tablettes du Festival ? Qui se rappellera dans dix ans de Flandres de Bruno Dumont, Palme d'or 2006 ? Qui se souvient que Marie-Josée Croze obtint le prix d'interprétation féminine en 2003 ?

Le temps est bien loin où le Festival était un festival, à taille humaine, cool, zen, sympa ? Le temps où le public et les vedettes n'étaient pas parqués derrière des barrières ? Où Brigitte Bardot se faisait photographier sur la plage en bikini et montait les marches de l'ancien Palais avec une petite robe à trois sous ? Où les starlettes n'avaient pas encore été remplacées par des mannequins haute couture, parées de bijoux de plusieurs centaines de milliers d'euros ?

Depuis combien de temps le Festival est-il devenu une foire… d'empoigne, une manifestation où la loi de la jungle prévaut, la loi du plus riche, du plus malin ? Le Festival a évolué comme le reste de notre société, avide, cruelle, sordide parfois.

Le Festival ? S'il n'existait pas, quelqu'un l'aurait inventé…

- mention : www.pariscotedazur.fr - mai 2007 – Alain Dartigues -
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