Emile Frandsen de Schomberg : retour à Valbonne.
Une aussi longue absence…
C'était un de ces êtres extravagants et délicieux que Pascal appelait roseau ! Un être fragile, chercheur d'absolu qui s'isola peu à peu des autres. Il y laissa la vie et une œuvre inachevée. Son fils Emile et sa fille Monique ont fait la démarche courageuse de revenir à Valbonne là où il passa ses dernières années.
Un village qui, devenu plus sensible aux élans artistiques et plus tolérant, ne fut pas en cette après guerre très accueillant pour Emile Théodore Frandsen de Schomberg et sa nouvelle famille. Baron il l'était, ajouté à cela une ascendance danoise, un jeune garçon qui ne fréquentait pas l'école du village… l'assimilation ne se fit jamais complètement.
Quant à ses peintures et ses sculptures exposées un temps à la Chapelle des Pénitents Noirs, elles ne furent pas prises au sérieux par les autochtones qui souriaient sans comprendre. La baron était un original, un point c'est tout !
L'auteur de ces lignes a eu le privilège de passer, enfant, quelques dimanches inoubliables dans la proximité de cette famille. Milou, le fils était élevé dans les principes de Rousseau et s'intéressait à tout. La mère était une pasionaria, mante religieuse et muse…
Et Frandsen, de toute sa stature, avec toute sa gentillesse et son attention, parlait, montrait, faisait. Il s'occupait du poulailler, coupait du bois, débroussaillait mais surtout, dans son atelier lumineux aux murs blanc, il peignait, sculptait, façonnait la glaise, théorisait, poétisait… tout cela impressionnait fort le petit garçon qui redécouvre aujourd'hui, cinquante ans après, ému, les tableaux qui s'étaient gravés dans sa mémoire. Et quels tableaux, intimistes parfois, toujours admirablement composés, souvent déroutants !
Rien n'a changé, tout est là sur les cimaises, l'âme de l'artiste, ses passions, sa sensibilité, sa tendresse, ses inquiétudes, ses recherches ! Celles-ci se cristallisent dans ce qu'il appelle le "tensisme", système de proposition pour parvenir à la connaissance précise d'un monde qui nous échappe… Mais ses recherches ont aussi eu comme conséquences de l'isoler davantage. Il se sent incompris, l'intelligentsia parisienne le boude. Et, quand on vient enfin vers lui, il s'éloigne.
Ainsi il refuse la proposition du galeriste Drouant qui lui assurerait une rente annuelle de 20 000 francs (à l'époque l'équivalent d'un salaire d'instituteur) en échange d'une vingtaine de toiles à choisir dans la production de l'artiste. Dans sa campagne valbonnaise, il ne voit plus guère de monde et il cesse bientôt d'exposer et de recevoir ses amis.
Frandsen, 1902-1969 : une vie dédiée à l'art, un art à qui il vouera un culte. Il en payera le prix , il y sacrifiera de son confort et celui de ses proches. Jusqu'à la fin, il continuera à produire, à chercher. Malheureusement à sa mort, sa succession sera bâclée et une grande partie de son œuvre dispersée aux enchères publiques.
Sa fille a pu sauver une partie de la production exposée durant quelques semaines dans l'atelier du maître verrier Loumani. Une occasion à ne pas manquer pour découvrir cet être étonnant, dont l'œuvre n'avait pas pour but d'être vendu mais d'être vue, partagée, accompagnée par le regard de l'autre, le mien, le vôtre.
Frandsen a une place dans notre mémoire, souhaitons qu'il laisse aussi une place, si modeste soit-elle, dans l'histoire de l'art…
- Galerie Loumani, du 7 avril au 5 mai, à deux pas de l'église, au bas du village de Valbonne, du lundi au samedi de 10h à 19 h.
- le site Internet cliquer ici permettra d'approfondir l'exploration.