Palm Beach Casino de Cannes

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à l’approche du renouvellement de la concession, peut-il y avoir un autre candidat que Partouche ?

Nice-Matin a ouvert récemment ce dossier et a laissé entendre que le contrat de délégation unissant la ville de Cannes au Groupe Partouche pouvait fort bien ne pas être renouvelé. Interrogé par le quotidien, David Lisnard, l’adjoint cannois aux casquettes multiples, déclarait d’ailleurs « Le Casino qui obtiendra la licence devra faire preuve de beaucoup d’imagination et se démarquera des autres casinos existants » ajoutant que le choix tiendra compte du « rayonnement local, national et international » de l’enseigne.

Consulté, notre spécialiste, Pierre Casanova, nous livre son analyse, claire et argumentée :

En matière de renouvellement du cahier des charges, les collectivités sont soumises à une procédure particulière issue de la loi Sapin du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques. Les candidatures reçues sont transmises à la commission prévue à l’art 43 de la loi qui en vérifie la validité et dresse la liste des candidats habilités à faire une offre. A la réception de ces offres, la commission émet un avis et le maire engage librement toute discussion avec une ou des entreprises. Le conseil municipal ainsi éclairé ratifiera ou non ce choix et s’ensuivra un parcours délicat, partant de la sous préfecture jusqu’à la Direction de la Réglementation au Ministère de l’Intérieur.

Seulement cette législation de 1993 qui se voulait drastique est le plus souvent inapplicable. Le Groupe Partouche est propriétaire du foncier au Palm Beach. A ce titre il remplit depuis plusieurs années tous les engagements pris avec l’association des prétendants et personne ne conteste sa légitimité à occuper ses locaux. Le rapport de 2001 de la Cour des comptes soulignait déjà la difficulté d’adaptation de la loi Sapin et posait la vraie question : « Comment mettre en concurrence différents candidats lors du renouvellement d’une concession lorsque l’un d’eux est propriétaire des murs et que le cahier des charges, rédigé par le Maire, doit indiquer le lieu d’établissement des jeux ? »

Elle relevait d’ailleurs la faiblesse voire l’absence de concurrence lors des renouvellements des délégations et soulignait que 90% des cas examinés par la juridiction financière n’avait pas fait jouer la concurrence, et que dans les rares cas où la commune avait reçu plusieurs candidatures, elle s’était trouvée bloquée par l’immobilier. Patrick Devedjan, alors qu’il était Ministre délégué aux libertés locales avait donné son interprétation de la loi de janvier 1993, en disant qu’il fallait laisser les candidats choisir le lieu d’implantation du casino.

Cette possibilité pourrait en l’occurrence permettre à des Groupes de se positionner sur le renouvellement des jeux du Palm Beach en proposant d’autres sites. Et donc, comme le suggérait Nice Matin, de ressortir des tiroirs le sempiternel ex-casino des Fleurs de la rue des Belges. Ironie de l’histoire des casinos cannois, le Palm Beach fonctionne actuellement avec la licence du Casino des Fleurs acquise par le London’s Club pour le Carlton Casino dans les années 90 et transférée par Patrick Partouche au Palm Beach, suite à son éviction du 7ème étage du palace cannois.

De plus, la situation du Casino des Fleurs est pour le moins obscure. Des promoteurs parisiens font valser les promesses de vente et bien malin celui qui, en bout de ligne, trouvera le véritable propriétaire. Ceux qui ont souhaité y voir plus clair restent pantois face aux exigences pharaoniques de quelques intermédiaires souhaitant "saucissonner" en lots le bâtiment. Il est donc raisonnable de considérer ce site comme pour le moins problématique et peu crédible…

Une autre alternative est possible. Le Maire, s’il souhaite maintenir les jeux sur le site initial s’assurera, préalablement à la consultation, que le propriétaire donnera le bâtiment à bail au futur exploitant et que cette condition soit précisée dans le règlement de la consultation. La base de location des locaux pourrait ainsi être soumise à l’avis des domaines.

Mais qui, au regard de toutes ces difficultés, pourrait proposer sa candidature en août 2008 à la succession du Groupe Partouche ? Accor-Barrière, avec déjà deux casinos à Cannes, se trouverait en situation de monopole et, alors qu’il vient de céder le Royal de Mandelieu, il n’y a aucune raison de le voir se lancer dans une aventure bréhaigne.

D’autres candidats, de plus faible notoriété, sont envisageables. Le Groupe Moliflor Loisirs, qui gère localement la Siesta, a le profil défini plus avant par David Lisnard. Il a remporté, en mai 2007, l’appel d’offres du Casino de Villeneuve-Loubet et doit mettre tout en œuvre pour construire ce nouvel établissement. Dirigé depuis peu par Laurent Lassiaz, Président du Directoire, et détenu par la société d’investissement Bridgepoint Capital et l’opérateur de jeux canadien Loto Quebec, on le voit mal aller titiller les grosses écuries sur des appels d’offres à risques. Barrière et Partouche ne manqueraient pas alors de suivre avec attention les dossiers de renouvellement des 21 casinos que le Groupe Moliflor Loisirs possède désormais sur l’hexagone…

Il y a donc fort à parier qu’après quelques gesticulations de circonstance, lors de l’appel à candidatures pour le Palm Beach de Cannes, la commission municipale se résignera à n’adresser qu’au Groupe Partouche le document définissant les caractéristiques des prestations, en application de l’art 38 de la loi du 23 janvier 1993.

Logiquement le nouveau conseil municipal, issu des urnes de mars 2008, ratifiera ce choix et le Groupe Partouche, qui s’apprête à lancer un vaste chantier pour la construction d’une discothèque de luxe en lieu et place de l’ancienne salle des machines à sous, attendra avec sérénité la signification du renouvellement du cahier des charges, pour une durée qu’il espère confortable mais qui ne pourra excéder 18 ans.

Pierre Casanova