Monaco : politiquement correct, sinon rien.

En Principauté, pas un cheveu ne doit dépasser…du chapeau.

Il y a environ cinq ans, la direction de notre magazine cherchait une personne susceptible de la représenter dans la Principauté. Elle fit appel à un de ses abonnés, résident monégasque. Il s'agissait avant tout d'assister à un certain nombre de conférences de presse, de manifestations officielles ou privées, souvent de très haute tenue et d'un standing élevé… la personne pressentie répondit positivement à cette offre. Nous commençâmes à lui faire parvenir quelques invitations.

Plusieurs semaines s'écoulèrent avant que nous reçûmes un coup de téléphone de celle-ci. Un peu gênée, elle nous raconta qu'ayant rencontré son avocat, ce dernier lui avait fortement conseillé de revenir sur sa décision et se s'abstenir de représenter, même de façon officieuse, un média qui pouvait, par ses propos, égratigner la famille princière et ses proches. Il lui fit remarquer que n'étant pas monégasque, elle pouvait voir remettre en question son statut de résident…

Il n'était pas question de la mettre ainsi en situation inconfortable pour une activité bénévole et que nous imaginions innocente. Il n'était pas question non plus de perdre notre liberté de ton et si, nous le jugions nécessaire, d'avoir une attitude critique à l'égard du Rocher et de ce qui s'y passait…

Nous ne sommes donc guère surpris de ce qui arrive à Didier Laurens, ancien rédacteur en chef au Nouvel Economiste. Il avait pris les rênes de Monaco hebdo et lui avait donné, en quelques mois, un second souffle. Le souffle a soufflé si fort qu'il l'a emporté. D. Laurens n'avait pas hésité à faire du journalisme et de l'investigation. Mal lui en a pris. Le propriétaire du magazine, appliquant l'article du Code du travail monégasque - qui n'est pas sans ressembler à un des articles de notre ex-CPE - le licencia sans tarder et sans nul besoin de lui signifier les raisons de ce renvoi…

Mais, il n'est nul besoin d'être devin pour imaginer que la ligne éditoriale dérangeait quelques peu des personnages influents. Fort probable aussi que des pressions aient pu s'exercer, à moins que ce ne soit par prudence que le propriétaire ait voulu rectifier le tir…L'autocensure est une pratique courante dans le monde de la presse et des médias. Il ne faut pas froisser les annonceurs et les gens trop puissants, capables de vous traîner devant la justice pour un oui pour un non.

Au Palais, on protège le prince. Il y a fort à parier d'ailleurs qu'il n'était au courant de rien, lui qui avait affirmé - ainsi soit-il ! - que la liberté de la presse était une priorité . Ce genre de situation a tout pour le contrarier, au moment même où Monaco s'apprête à entrer au Conseil de l'Europe… Alors que l'affaire promettait d'être enterrée, un article du Monde, signé Paul Barelli, la porte au grand jour. Merci la Presse lorsqu'elle est libre et courageuse, qu'elle soit ou non d'opinion !

- mention : www.pariscotedazur.fr - juin 2006 -