Ultima ratio
- poème -
Celui-là rendit son âme
En tombant à l'eau,
Celui-ci périt en flammes
L'autre à l'échafaud
Celui-là meurt de la goutte
( c'était un bourgeois )
Celui-ci sur la grand' route
De faim et de froid
L'un crève, l'autre trépasse
Et dans le cercueil
L'un sourit, l'autre grimace
De honte ou d'orgueil
Les uns foint au cimetière
Leur dernier sommeil,
D'autres sans une prière
Meurent au soleil
Les uns tombent à la guerre
Loin de leur maison
Couchés face contre terre ;
D'autres en prison
De nos jours la mort nus tombe
Du ciel calme et beau :
Un geste, une simple bombe,
Combien de tombeaux ?
Nombreuses ont les tortures,
Nombreux sont les bourreaux,
Nombreuses sont les créatures
Pâture aux corbeaux
Celui qui tremble de fièvre
Dans un hôpital,
Mordant ses draps et sa lèvre
Pour tromper son mal
Celui qui dans le suicide
Termine son sort
Celui qu'un bandit trucide
Sans peur ni remords
Ceux qui gardent confiance
Dans leur religion
Ou ceux qui disent : croyance
N'est que dérision
Tous dans le même mystère
Vont disparaissant :
Le joyeux, le solitaire
Le gueux, le puissant
O Mort, nulle souverains
N'eut tant de sujets,
O Mort qui sèche la graine
De tous nos projets !
Nos âmes te sont légères
Sous leurs oripeaux,
Toutes : moutons et bergères,
Princes et troupeaux !
- septembre 1950 –