Nice. Le Musée Matisse s’enrichit...

La Ville vient d’acquérir « Poésies » pour les collections du Musée Matisse Nice. L’entrée de cette édition dans les collections du musée Matisse qui conserve désormais l’ensemble des livres illustrés de l’artiste, positionne l’institution comme un centre de référence dans l’étude de cette part importante de la création d’Henri Matisse.


- photo © Ville de Nice - Julien Veran -


Henri Matisse s’est imposé comme un des grands peintres-illustrateurs du XXe siècle. Il ne vient pourtant que tardivement à cette activité, à travers les commandes des Poésies de Stéphane Mallarmé en 1930 puis de Ulysses de James Joyce en 1935, avant de s’y consacrer régulièrement après son opération de 1941. Il réalise ainsi onze livres entre 1942 et 1952. Matisse était un grand lecteur, familier, depuis ses débuts parisiens, des cercles littéraires. Il était aussi un amoureux du livre comme le révèle sa vaste bibliothèque du Régina qui comprenait quelques belles éditions chinées à Paris ou à Nice.

La plupart des livres illustrés par Matisse sont des ouvrages de luxe, destinés aux collectionneurs d’art, aux bibliophiles ou aux musées. Il les conçoit dans leur totalité, sélectionne les textes, dont la lecture répétée fait émerger par association libre un cadre visuel ainsi qu’un décor, fait le choix du médium approprié – linogravure, lithographie, ou photolithographie –, ainsi que de la typographie, son placement dans la page et sa taille. À chacun de ces livres, il renouvelle entièrement son approche, tentant de trouver un équivalent plastique au texte. Par exemple, l’atmosphère antique et méditerranéenne du Pasiphaé de Montherlant se prolonge à travers le timbre sombre des pages d’illustrations en linogravure. Le caractère galant des sonnets du Florilège des Amours de Ronsard s’accorde au tracé savoureux des lithographies, visages, étreintes et ornements végétaux. Dans les Lettres portugaises, la richesse des décorations d’inspiration végétale traduit l’amour de la religieuse.

Chacun des livres de Matisse propose ainsi son espace propre, sa lumière et sa tonalité qui nous transportent autant que ses tableaux et ses grandes compositions en papiers gouachés découpés. Il écrit à cet égard : « je ne fais pas de différence entre la construction d’un livre et celle d’un tableau. »

L’invitation par Albert Skira de réaliser un livre d’artiste arrive à point nommé pour Matisse qui traverse une période de crise. Il parle de Poésies non comme d’un livre illustré mais décoré, insistant sur la manière dont il envisage le livre comme un objet d’art total. Il considère le format de la page, ses espaces vides, ses marges et la graisse des caractères comme des éléments essentiels à la conception d’un ouvrage. Pour Poésies, il fait le choix de supprimer les marques en relief laissées sur le pourtour des planches lors de l’impression des eaux-fortes pour que ses illustrations se déploient jusqu’au bord du papier et ainsi obtenir un maximum d’expressivité graphique.

Le langage plastique que Matisse développe pour Poésies, fondé sur la simplification et la pureté du dessin au trait, irrigue son travail tout au long de la période. Aussi importantes que la commande de La Danse, les gravures qu’il réalise pour le livre marquent pour lui un retour aux conceptions esthétiques et aux thèmes iconographiques (le faune notamment) auxquels il s’était intéressé à travers le fauvisme et auxquels il revient avec Nymphe dans la forêt (La Verdure), œuvre majeure de la collection du musée Matisse et autre projet de tapisserie pour Marie Cuttoli....