La Restauration, un secteur mis à mal

par le Coronavirus…

Entre 25% et 40% des restaurants risqueraient de faire faillite des suites de la crise sanitaire du coronavirus. La situation financière du secteur de la restauration traditionnelle est clairement inquiétante. Olivier Gergaud, professeur d’économie à Kedge, une école française de management, alerte sur l’insuffisance des aides allouées par l’État et appelle à l’engagement des assureurs et des consommateurs pour sauver la gastronomie, pilier du patrimoine français et de l’offre touristique nationale. https://kedge.edu/




Sur un échantillon de 14 667 établissements de type restauration traditionnelle, 51 % seraient dans la zone rouge si l’on s’en tient au ratio d’endettement. Ce résultat doit toutefois être relativisé car, comme le confirme Éric Pichet, professeur à Kedge et spécialiste d’analyse financière, ce secteur reste faiblement capitalisé. En effet, ce sont les charges de personnel qui constituent la majeure partie des coûts d’un restaurant.

Si l’on se réfère à un autre ratio populaire, celui de solvabilité, on constate que bien un tiers de restaurants est en situation de grande fragilité financière. Les craintes des instances professionnelles apparaissent donc tout à fait fondées. Cette situation n’est pas surprenante quand on sait que le secteur a déjà été durement touché par la crise des « gilets jaunes » et plus récemment par les mouvements sociaux de décembre 2019 liés à la réforme des retraites.

L’État, par l'intermédiaire de Gérald Darmanin, a promis une annulation de 750 millions € de charges fiscales le 15 avril dernier. Cette mesure concerne à la fois le secteur de l'hôtellerie, de la restauration, des arts, spectacles et activités récréatives. Selon nos calculs, ce montant correspondrait au mieux à un mois d’exonération de contributions. La suspension d’activité ayant déjà dépassée un mois et la réouverture des restaurants étant vraisemblablement prévue au-delà du 11 mai, cette somme est insuffisante. 

Par ailleurs, on parle de réouvertures avec aménagements ; ce qui signifierait une réduction du nombre de couverts dans de nombreux établissements et par conséquent une perte significative de chiffre d’affaires. De surcroît, pendant un temps encore incertain, la clientèle étrangère risque de manquer cruellement aux établissements les plus prestigieux, dont la rentabilité de certains dépend pour une partie non négligeable des recettes de leur hôtel, aujourd’hui nulles.

Plusieurs acteurs économiques sont aujourd'hui en mesure de compléter l'aide de l'État. Le secteur des assurances est sollicité pour venir en aide aux entreprises en difficulté, même si ces dernières ne sont pas au plan contractuel couvertes pour ces risques de nature sanitaire. Le secteur n’est pas obligé d’agir mais sa réputation pourrait pâtir d’une fin de non-recevoir. En effet, les sociétés d’assurance n’ont pour le moment pas à se plaindre de la situation actuelle qui génère bien moins de sinistres. La Mutuelle d'Assurance des Instituteurs de France (MAIF) a, par exemple, décidé récemment de reverser 100 millions € à ses sociétaires détenteurs d’un contrat automobile en leur proposant de simplement percevoir cette somme ou de l’offrir à trois associations qui œuvrent particulièrement pendant la pandémie (l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris, l’Institut Pasteur, le Secours Populaire). La redistribution de ces surplus accumulés par l’ensemble des sociétés d’assurance pourrait donc être redirigée vers des entreprises des secteurs les plus touchés, sous forme, par exemple, de baisses voire d'exonérations de paiement.

Les consommateurs eux aussi se mobilisent pour générer de la trésorerie en faveur de leurs établissements favoris via des sites comme Sauve ton resto, ou encore J’aime mon bistro. Ces sites permettent de passer des pré-commandes solidaires dès maintenant auprès de restaurants fermés en vue du déconfinement. Les partenaires fondateurs de J'aime mon bistrot participent aussi à l’effort de solidarité en créditant 50 % additionnels sur les 20 000 premières commandes.

L’État pourrait rapidement généraliser ce genre de cagnottes (pas seulement pour ce secteur d'ailleurs) et abonder ainsi en fonction des préférences des consommateurs. Une participation à cet élan populaire de type mécénat apparaît nécessaire dans la mesure où les sommes dépensées aujourd’hui sous forme de commandes anticipées ne le seront vraisemblablement pas plus tard.

Une traduction en anglais de ces sites, accompagnée d’une promotion dédiée (par Atout France ?) permettrait en outre de toucher un public étranger, amoureux de notre gastronomie et prêt, à n’en pas douter, à la soutenir en ces temps difficiles.

Le plan de relance annoncé par l’exécutif le 24 avril dernier semble aller dans cette direction. À court terme, le fonds de solidarité créé au début de la crise sera renforcé et son accès élargi à des entreprises de taille plus importante (20 salariés). Les mesures de chômage partiel seront également prolongées au-delà du 11 mai pour les entreprises qui ne pourront redémarrer à cette date.

Pour compléter le dispositif, un fonds d’investissement (avec l’aide des banques et des sociétés d’assurance) est envisagé. Ses contours, qui porteront notamment sur l’orientation des fonds, devraient être annoncés le 14 mai prochain. Il serait à ce sujet judicieux que le besoin de soutien différencié des artisans du fait maison entre dans l’équation. Leurs problématiques restent en effet bien spécifiques par rapport aux établissements recourant massivement aux produits de l’industrie agroalimentaire.

* Lire l’intégralité de la tribune d’Olivier Gergaud ici.