Cannes : Dominique Desseigne et Jean Marc Oury condamnés solidairement

à payer 67 millions d’euros à la "Société Fermière du Casino Municipal de Cannes".


- Dominique Desseigne et l'ambassadeur Delauney, en 2000, lors de l'inauguration du square Lucien Barrière, à Cannes -

Cette condamnation, relayée par Investir.fr et le magazine La Tribune du 10 décembre, a été confirmé, dès le lendemain, par un communiqué laconique du Groupe. A peine connue, cette information fait à Cannes, l’effet d’une bombe. La Société Fermière du Casino Municipal de Cannes, la SFCMC, est en effet un holding historique qui a grandement participé à la prospérité de la ville. Société mère par le Casino Barrière de Cannes Croisette, elle rayonne grâce à ses filiales, l’Hôtel Majestic Barrière, l’Hôtel Gray d'Albion et le Casino des Princes.

A la mort de Lucien Barrière en 1991, Diane Barrière, sa fille, lui succédait et devait acquitter près de 150 millions d’euros de droits de succession.

Le paiement de ces droits avait fait l’objet d’une transaction compliquée entre la Compagnie Immobilière Phenix et le Groupe Barrière. Elle portait sur l’acquisition de la SA Gray d’Albion, sur la cession du Palm Beach et d’un bloc d’actions de plus de 30% de la SFCMC. La Générale des eaux, maison mère de CIP, devenue VIVENDI, céda rapidement cette participation au Groupe Partouche qui, à son tour, la céda, le 27 avril dernier, à Amber Master Fund (Cayman) SPC, pour un montant de 36 millions d’euros.

C’est sur le rachat de l’Hôtel Gray d’Albion à la CIP, en 1991, par la SFCMC que la Cour d’Appel de Paris vient de se prononcer, après 14 ans de procédure.

En effet, cette transaction de 86,36 M€ (570 millions de francs) avait été considérée par la COB et par les actionnaires minoritaires comme largement surévaluée. L’hôtel avait été acquis, peu de temps avant, par la CIP au Groupe Abela, pour un montant bien inférieur. Des plaintes furent déposées et aboutissent aujourd’hui à cette condamnation, à titre de dommages et intérêts.

Dominique Desseigne, Président de la SFCMC depuis 1997, a succédé à son épouse Diane Barrière, victime en juillet 1995, d’un accident d’avion près de Luçon, en Vendée.

La situation est délicate pour la famille Desseigne, qui avec 65,2% des actions, est largement majoritaire de la SFCMC, cotée sur le premier marché d’Euronext Paris SA et qui ne fait toujours pas partie du nouveau Groupe Lucien Barrière, fondé en 2004 entre Barrière, Accor et le Fonds de pension Colony capital SA.

Que peut-il maintenant se passer ?

Depuis 1991, cette société alors florissante, a du faire face à un endettement considérable, annihilant au passage les politiques de participation et d’intéressement mises en place. Les personnels seront-ils légitimes à revendiquer leur part de cette manne ou servira-t-elle seulment à apurer les comptes, déficitaires de 50,9 Millions d’euros ?

Dominique Desseigne, qui a des arguments, va se pourvoir en Cassation, une procédure qui n'est pas suspensive et ne le dispense pas du paiement des 67 millions d’euros. Sa stratégie de défense consiste à mette en évidence l’intérêt représenté, en 1991, par cet achat. Il permettait d’additionner les deux entités hôtelières (Majestic et Gray d’Albion) et offrait l’immense avantage de pouvoir se positionner sur des congrès d’importance supérieure et à plus forte marge, grâce à une capacité d’hébergement portée à plus de 500 chambres. Les travaux d’extension de l’hôtel Majestic sur les anciens locaux de la Banque de France démontrent que la stratégie est toujours d’actualité.

Enfin, le Président Desseigne pourra se prévaloir d’offres récentes de Groupes étrangers pour l’acquisition de l’hôtel Gray d’Albion, pour un montant supérieur à la transaction de 1991.

Que fera Jean Marc Oury, PDG de la Compagnie Immobilière Phenix en 1991 et remercié depuis ? Les honoraires de la « Société Saint Germain conseils et d’investissements » qu’il dirige depuis sa chute, suffiront-ils à faire face à l’énormité de la somme ?

La solidarité de la condamnation donnera sans doute l’occasion aux parties de se renvoyer une nouvelle fois la balle et aux avocats de faire de savants effets de manches…

René Allain et Pascal Caron