Cannes: Las Vegas, Ibiza, Hollywood et maintenant Miami, ne lui font plus peur.

Cannes capitale du monde ?

- Cannes, le vieux port et déjà un Casino et une aile de l'hôtel Carlton -

Son maire, Bernard Brochand, y croit-il vraiment ou ne serait-ce qu'une technique de marketting, sorte de Méthode Couet que connaissent tous les publicitaires ? Dites que votre produit est le meilleur, nul n'est besoin de le démontrer, de savoir s'il l'est vraiment, il suffit de le dire, de l'affirmer haut et fort et plus de la moitié du chemin est parcouru.

Cannes donneuse de leçons pour la France, pour l'Europe, pour le monde ? Les Cannois en demandent-ils autant, leur a-t-on même demandé ? Il est vrai que ce n'est pas le souci de nos politiques qui vont, d'un mandat à l'autre, fiers de leurs desseins, sûrs de la validité de leurs options, ne se gênant nullement pour faire notre bonheur quel que soit notre gré. L'un construit la Zaïne, un second le Palais des Festivals, un 3ème un Musée d'Art Moderne, chacun croyant, dur comme fer, avoir fait le meilleur choix. Certes, il est parfois nécessaire de bousculer un peu les gens, de lutter contre un conservatisme paralysant, contre l'inertie qui prédomine trop souvent, mais jusqu'où peut-on aller ?

Pour ceux qui l'oublieraient, ce sont les politiques qui modèlent notre quotidien, bâtissent notre futur. Un maire, par ses choix, peut orienter le destin d'une ville, lui donner une direction plutôt qu'une autre. Le choix de Cannes comme lieu d'accueil pour le Festival du Film a projeté la ville sur la scène internationale, et en a fait une vedette à part entière. Bernard Cornut Gentille, dans les années 60, lui a donné l'élan et les moyens d'aller plus loin encore en remodelant la Croisette, en perçant le Suquet, en couvrant la voie ferrée. Beaucoup pour un seul homme dans une ville de moyenne importance avec ses 70 000 habitants contre les 350 000 de Nice !

Cannes, la ville du Festival du Film, n'est pas devenu pour autant la ville du Cinéma. Cannes : ni Cine Citta ni Hollywood ! Intelligemment les décideurs de l'époque ont su surfer sur la vague du Festival et, utilisant la notoriété acquise, le caractère exceptionnel du site, son climat, en a fait une ville de Congrès, la 2ème de France. En soi, une performance de taille car justement c'est de taille dont il s'agit. Cannes a peut-être, faute d'espace, atteint son point, non pas d'incompétence mais de rupture.

Il faut peut-être l'accepter, réfléchir et imaginer d'autres stratégies, envisager pour elle un destin plus modeste, plus raisonnable. La création d'une grande intercommunalité lui ouvrirait de nouvelles perspectives. Elle lui permettrait d'élargir ses frontières, de fédérer utilement les énergies et les moyens des communes concernées. C'est ce que souhaitent en tout cas les maires des communes du Cannet, de Mandelieu, de Mougins, de Grasse, de Pégomas… Mais les élus Cannois se sentent menacés dans leurs prérogatives et placent la barre si haute pour que cette intercommunalité se réalise, qu'ils la rendent pour l'instant impossible. Jusqu'aux prochaines élections municipales, en 2008, rien ne se fera !

On entend dire ici et là, qu'il faut faire de Cannes une capitale du jeu, un nouveau Las Vegas, alors que les trois casinos existants peinent à faire des bénéfices… L'un nous parle d'une ville dédiée au Cinéma, alors que les studios de la Victorine, à Nice, ont fait plusieurs fois faillite. Un autre se demande pourquoi Cannes, deuxième ville de congrès en France, ne deviendrait-elle pas la première oubliant qu'elle a perdu, au profit de Barcelone, une des plus grandes manifestations au monde ? Un autre encore rêve de concurrencer Saint Tropez, mieux, de faire de la ville un nouveau Ibiza, un lieu où l'on danse toute la nuit, à grands coups de décibels et de basses syncopées…qu'on entend de l'île Sainte Marguerite aux frontières du Cannet et de Vallauris et qui bercent jusqu'à l'hôpital des Broussailles, les malades dans leur lit … Dernier projet en date, il s'agirait maintenant de ravir à Miami la première place dans le domaine du nautisme et d'accueillir un Festival de la plaisance qui serait le plus important au monde.

- Cannes, le petit village de pécheurs, a grandi -

Encore une fois que veulent les Cannois - vous savez, ceux qui vivent à Cannes et y payent leurs impôts - et d'abord qui sont-ils ? Pas des étudiants (l'Université est à Nice), pas des commerçants de la rue d'Antibes, ni des notables, ni des professionnels libéraux, tous ou presque résident dans de confortables villas à Mougins et au Cannet ; pas des employés de la rue Meynadier, la plupart logent dans de plus modestes habitations à Mouans-Sartoux, La Roquette, Auribeau, jusqu'à Saint-Vallier maintenant. Accessoirement, c'est là qu'ils votent d'ailleurs…

Les Cannois d'aujourd'hui sont le plus souvent des gens qui ont réussi, qui ont du bien. Vivre à Cannes ce n'est pas à la portée de toutes les bourses, évident mon cher Watson ! Beaucoup de retraités, souvent aisés, voire très aisés, y résident. Ils viennent aussi de toute l'Europe et parfois de plus loin, de pays où coule l'or noir…Ils font, qu'on le veuille ou non, la prospérité de Cannes, de ses commerces et remplissent les caisses de la ville…Leurs souhaits ( souvent ils parlent tout bêtement de propreté, de sécurité, de tranquillité…) devraient être pris en considération et compter au moins autant que les caprices et les visions de grandeur d'élus de passage, si tant est que nous soyons tous de passage !

Chaque ville a ses particularismes, chaque ville a sa propre identité, son caractère spécifique. Cannes n'est pas Juan-les-pins qui se couche lorsque les autres se lèvent, ni Nice qui, à travers son intercommunalité, contrôle la moitié du département, encore moins Las Vegas qui blanchit allègrement les sous dans ses machines, moins encore Hollywood-Malibu ou Miami-Vice. Cannes est Cannes, tout simplement et cela devrait suffire. Les Cannois le savent bien qui ont choisi d'y rester et d'y vivre.

On connaît trop bien le réflexe de certains donneurs de leçons : si vous n'y êtes pas bien ici, allez donc voir ailleurs ! Vite dit et peu élégant mais Cannes n'est malheureusement plus, depuis longtemps, une capitale de l'élégance, on s'y promène trop souvent débraillé et le ventre à l'air.

Il est difficile, peut-être impossible d'être le meilleur partout et en tout. Vouloir devenir un Ibiza bis, un Las Vegas ter, une succursale de Saint-Tropez ou posséder une marina plus grande que celle de Miami, est-ce réellement une fin en soi ? A vouloir ressembler à tout le monde, ne risque-t-on pas de ressembler à rien ? A s'enfler démesurément, ne risque-t-on pas, comme dans la fable de La Fontaine, de…?

La question ne mérite-t-elle d'être poser…aux intéressés ?

- mention : www.pariscotedazur.fr - août 2006 -