« Le Festival : une alchimie entre glamour et business ! »

- dernière séance pour François Erlenbach.

A la veille de participer à son dernier Festival en tant que secrétaire-général, il nous a paru intéressant pour nos lecteurs, de rencontrer François Erlenbach.

  • Vos souvenirs d’enfance sont-ils rattachés à Cannes ?

- Je suis arrivé dans cette ville suffisamment jeune pour y avoir passé l’essentiel de mon primaire et tout mon secondaire. A Nice, j’ai décroché un diplôme universitaire de droit privé.

  • On vous retrouve quelques années après comme directeur de cabinet puis secrétaire-général de la mairie, sous la municipalité d’Anne-Marie Dupuy.

- Je rejoins effectivement Cannes en 83, après un passage à Mougins de six ans. Roger Duhalde, au tout début de son premier mandat, m’avait demandé de prendre en main l’administration de la commune.

  • Puis vient l’épisode Michel Mouillot.

- Le nouveau maire, à l’évidence, préfère changer quelques têtes. Il me propose la direction du Palais. C’était avant la naissance de la SEMEC…avec mission de redresser les finances de l’association qui en était en charge. C’est à ce poste que je rencontre Pierre Viot, le président du FIF. Il me juge capable d’assumer le secrétariat général de cette structure. J’y suis depuis dix ans.

  • Ce départ annoncé est-il volontaire ou provoqué ?

- J’ai jugé qu’il était temps de me remettre en question. J’ai examiné les possibilités qui s’offraient à moi. Après ce dernier festival, je rejoindrai le Ministère de la Culture, au titre d’administrateur civil hors classe. Je ne peux pour l’instant être plus précis.

  • C’est le choix de Paris contre la Province ! Nostalgique ?

- Comme beaucoup de cannois de ma génération, j’ai traîné mes bottes dans le vieux Palais, le Palais historique. C’était le temps de « Ciné-Jeunesse » et des jeudis après-midi dans la salle Jean-Cocteau. L’abbé Coindre et Francis Legrand nous y ont éveillé à l’art cinématographique. Ils ont fait de nous, pour la vie, des cinéphiles et des cinévores.

  • Ce Festival d’avant les années 60, que nous avons, nous aussi connu, a bien changé. Nous pouvions nous faufiler jusque dans la salle de presse et assister aux conférences. Il y avait à peine 200 journalistes accrédités. Ils sont plus de 2 000 aujourd’hui… Le concierge fermait souvent les yeux et nous étions quelques-uns uns à nous faufiler jusque dans la grande salle.

- C’était une fête durant laquelle une bande de cinéastes de tous les pays se rencontraient, se mesuraient et liaient des liens amicaux. Il est vrai que nous avons vécu ces dernières années des débordements. Il n’est pas évident de gérer le succès mondial de la manifestation. La municipalité et le FIF se sont posés des questions à ce sujet et commencés à poser quelques gestes. Elle avait décidé l’année dernière d’établir un périmètre protégé et de décourager les opérations parasitaires. Il s’agit de redonner un peu plus de convivialité. Il est question par exemple de renouer avec la tradition du pique-nique de milieu de Festival qui se déroulait souvent aux îles de Lérins. Il est clair que le public cannois est avide de participer lui aussi à la fête et nous pensons organiser une grande projection en plein air.

  • Les tentes ont envahi la Croisette et les plages, les tops modèles et les joueurs de foot détrônent les vedettes de cinéma lors de la montée des marches…

- Cette époque est terminée. Canal + a plié bagages et nous devrions retrouver plus de sérénité. La volonté de se redéployer vers la qualité plutôt que sur la quantité, de redéfinir les critères d’accréditation… devrait sensiblement faire baisser la pression.

  • Un nouveau maire arrive, en quoi cela peut-il changer la dynamique de la manifestation ?

- Le FIF est en somme le maître-d’œuvre, avec sa logistique parisienne et ses représentants à l’étranger. Il est de plus le propriétaire du concept. L’Etat a la lourde charge d’assurer l’ordre et la sécurité de la manifestation, une des plus longues de ce type. Et chaque année la situation se complique. Le maire, membre de droit qui apporte des fonds publics importants, a lui à gérer l’image de la ville. Il n’y a jusqu’à présent pas eu de conflit sérieux entre chacun de ces intervenants qui régulièrement se rencontrent.

  • Pour ce dernier festival comme secrétaire-général, quel sera votre rôle ?

- Celui d’assurer la transition, de mettre en place l’équipe choisie par le nouveau président, Gilles Jacob. La directrice générale est Véronique Cayla, membre du CSA. Elle sera assistée par J.P. Calmel. Thierry Frémaux qui nous vient de Lyon où il dirige l’Institut Lumière, sera responsable de la sélection des films. J’ai à cœur de laisser la maison en ordre.

  • Insistante, la rumeur vous prête des ambitions politiques locales.

- Ce n’est pas à l’ordre du jour. Pour faire de la politique il faut s’en donner les moyens. Et il vaut mieux être libre et avoir de l’argent car les indemnités actuelles sont faibles (NDLR : le maire d’une ville comme Cannes ne touche guère plus de 15 000 francs, par ailleurs un directeur de SEM peut fort bien dépasser les 50 000 francs par mois).

  • Le mot de la fin…

- Le Festival devrait être d’après moi une alchimie savante entre glamour et business. C’est l’occasion précieuse pour les talents qui émergent, de se frotter aux talents confirmés.

- mention : www.pariscotedazur.fr - avril 2001 - Alain Dartigues -