Revenu des camps de la mort, Shelomo Selinger célèbre la vie...
« Bleu / Nuit. L’art après les camps. » Une exposition qui rassemble une sélection d’œuvres représentatives du parcours de l’artiste, de ses motifs artistiques - la célébration de la vie, la commémoration des morts -, ainsi que de ses techniques de prédilection, sculpture en taille directe, bas-reliefs, dessins et xylographies.
- affiche © Teresa Suarez, Olivier Laban - Mattei,
Agence Myop. Shelomo Selinger, ADAGP, 2025 -
L’exposition rend hommage à la trajectoire de Shelomo Selinger, artiste et témoin de la Shoah. Elle se tient au Mémorial de la Shoah, érigé en 2012 en face du Monument aux déportés conçu par l’artiste en 1976 devant l’ancien camp d’internement de Drancy. À travers quelques soixante pièces, pour certaines jamais exposées ni reproduites, les visiteurs sont invités à découvrir la richesse et la diversité de son œuvre, ainsi que la portée humaniste dont l’artiste l’a investie.
Contrairement à d’autres artistes survivants, Selinger n’a pas dessiné dans les camps où il a été interné et déporté. Sa découverte de l’art leur est postérieure. Elle est liée à sa rencontre en 1951 avec Ruth, sa future épouse, en Israël où il a émigré après-guerre. L’art qu’il pratique à partir de cette période est essentiellement sculptural.
Diverse par ses techniques, l’œuvre de Shelomo l’est aussi par ses thématiques. Tout un pan de sa création artistique célèbre en effet la vie dans ses expressions les plus heureuses et collectives, en particulier à travers la musique et la danse. Bien qu’il y applique également le principe des lignes brisées caractéristique de ses dessins, ceux qui prennent pour motif la musique et la danse donnent davantage le sentiment d’un miroitement que de ruptures visuelles brutales.
Dans une atmosphère plus familière et souvent familiale, les figures que dessinent alors Selinger se concentrent autour d’instruments divers, à la manière de certaines compositions de Marc Chagall, ou bien s’égayent en sarabandes heureuses, à la façon cette fois des premières variations d’Henri Matisse sur le thème de la danse.
Ces œuvres de grand format voisinent ici avec toute une série de dessins d’une taille plus modeste, aux contours bleuis, comportant quelquefois des figures isolées. À travers leurs danses et leurs gestuelles, toutes expriment une vitalité opposée à la dévitalisation des camps comme à la brutalité mortifère qui y régnait. Les corps s’entremêlent désormais au lieu de se télescoper. Ils s’embrassent et s’enlacent comme leurs lignes s’épousent. L’étreinte de la mort s’y desserre peu à peu sous l’étreinte de l’amour.

- dessin @ Shoah - L'orchestre - Schelomo Selinger - Olivier Laban- Mattei
- Agence Myop. Shelomo Selinger, Adagp, 2025 -
Connu et réputé comme sculpteur, Shelomo a mené en parallèle une intense activité de dessinateur. Il emploie pour cela différentes techniques : le dessin à l’encre esquissé à la plume, dont la légèreté contraste avec la lourdeur des outils du sculpteur ; le fusain, en faisant varier l’intensité des traits noirs des bâtonnets qu’il emploie dans ses grands formats ; le lavis et l’aquarelle appliqués au pinceau, pour lequel il délaye de l’encre noire à l’eau ou recourt à différentes teintes de bleu plus ou moins sombre. Dans tous les cas, Shelomo Selinger ne couvre pas l’intégralité de la surface des papiers. Lorsqu’il dessine, il ménage de grandes plages blanches sur les papiers, dont il laisse ainsi voir la matérialité, comme celle de la pierre ou du bois reste visible dans ses sculptures.

- Atelier de Shelomo Selinger @ Olivier Laban - Mattei
- Agence Myop. Shelomo Selinger, Adagp, 2025 -