Edito. La quadrature du cercle…
On nous demande de consommer moins mais d’acheter plus. On nous incite dix fois par jour, à acquérir une voiture hors de prix pleine de gadgets et capable de rouler à grande vitesse mais, en même temps, on nous demande d’éviter de l’utiliser, de référer les déplacements doux et de privilégier les transports en commun.
- photo (c) PCA -
ous les jours, on nous demande de consommer moins, afin de limiter notre empreinte carbone car, beaucoup l’ont compris - même certains de nos décideurs - les enjeux environnementaux sont de plus en plus évidents et impératifs. Il s’agit donc d’être un bon éco-citoyen. Mais en même temps, on nous incite, tous médias confondus, à acheter une voiture électrique présumée plus écolo, à changer notre télévision vieillissante, à acquérir la dernière version de téléphone… intelligent, à nous précipiter sur les dernières promotions d’un vendredi noir (pour la planète), à bénéficier des incroyables soldes des croisières Costa…
Il y a bientôt 20 ans, j’avais écrit un éditorial intitulé : « Les écolos sont de mauvais citoyens », qui prônent la croissance zéro, voire la décroissance. Ils consomment relativement peu et ne font pas suffisamment tourner les entreprises et donner assez de travail à une population grandissante dont les besoins... divers et variés ne cessent de grandir.
Constatons que la majorité d’entre nous a choisi de n’écouter que ses envies, envies stimulées par les agences de communication qui nous abreuvent - où que l’on soit - d’annonces publicitaires... que de se laisser guider par le choix d’influenceurs influencés, de ne se fier qu’aux avis orientés qui pullulent sur les réseaux sociaux.
En voyant que les comptes d’épargne sont pleins, rassurés quant à notre… pouvoir d’achat, les gouvernements cherchent par tous le moyens à nous faire rendre gorge et poussent eux aussi à la roue pour que nous dépensions toujours plus, pour que nous faisions tourner à plein la machine économique. Ils sont d’ailleurs prêts à tout, quitte à nous prêter de l’argent pour que nous le dépensions. Et tant pis pour la dette, si colossale soit-elle… Dans un monde de plus en plus virtuel, bientôt dominé par l’IA, ils feront un chèque de plus. Même sur le dossier de l’immigration illégale, les aides sociales qui lui sont attribuées, contribuent à remplir les tiroirs caisses des entreprises et des commerçants car bien sûr, tout le monde mange, se loge, se vêt, en un mot « consomme »… C’est ça le sésame de notre civilisation mercantile, la clef de notre prospérité sociétale, tant pis pour la planète, tant pis pour les générations futures. L’avenir est une notion tellement abstraite. Vive le court terme, le plaisir instantané. Le futur peut… attendre !
Pourtant, nous voilà à la croisée des chemins, pris entre deux feux et le temps presse. La planète brûle quand elle n’est pas inondée. Se soucier de développement durable et, pour ce faire changer nos comportement et nos choix de vie ou satisfaire aux appels séducteurs du marché, n’est toujours pas au programme. Je ne suis pas plus optimiste aujourd’hui qu’il y a 20 ans quant notre capacité à changer de cap. Certains avaient envisagé que le Post-Covid allait nous apporter un peu de sagesse. Ce n’est pas le cas, au contraire, tous les compteurs sont passés à l’orange, changement climatique en tête. Pendant ce temps, les Grands de ce monde se disputent le Marché, font exploser le budget de l’armement tandis que d’autres rêvent d’aller coloniser la lune et Mars, quitte à abandonner la Terre à son... triste sort.
Il faudra sans doute que nous arrivions au bout du bout, à la limite extrême, au bord du gouffre pour que nous prenions les décisions nécessaires et changions, comme on dit maintenant, nos paradigmes. Ne sera-t-il pas alors trop tard pour conserver une espérance et une qualité de vie que beaucoup d’entre nous ont le privilège de connaître ?
Ni la raison ni la sagesse ne gouvernent l’espèce humaine, sinon ça se saurait… Désolé.

- couverture National geography, 1993 -