Cyber-harcèlement : passer par la case parents...

Catégorie Les paradoxales

Particulièrement exposés au cyber-harcèlement, nos enfants se révèlent assez démunis face au cyber-harcèlement, et plus largement face à la violence qui peut s’exercer sur les réseaux sociaux. Comment anticiper et prévenir ? Sur ce point, le rôle des parents peut se révéler primordial. C’est ce que nous explique Benoit Grunemwald, expert en Cyber sécurité à ESET France :  




« Élément consubstantiel de notre époque, le cyber-harcèlement peut tuer, comme l’a montré au mois de mars dernier le cas malheureux de la jeune Alisha. En cause, la croissance exponentielle du cyberespace, territoire virtuel au sein duquel peut s’exercer une violence hélas bien réelle. Comment lutter face à ce phénomène et, surtout, comment épargner ces types de violences aux enfants et adolescents ? Sur ce point, les parents ont un rôle à jouer. Dans le même temps, certaines techniques peuvent être mobilisées. 

Parents, n’oubliez tout d’abord jamais une chose : la violence fait partie de l’écosystème au sein duquel se développe toute jeunesse et nécessite un encadrement. Lorsque les pères s’habituent à laisser faire leurs enfants (…), alors c’est là, en toute beauté et en toute jeunesse, le début de la tyrannie, indiquait déjà Platon dans La République. Vos enfants se lancent sur les réseaux sociaux ? Parlez-leur afin de leur faire toucher du doigt certaines réalités. Expliquez-leur par exemple que toute prise de parole sur les réseaux, quels qu’ils soient, est susceptible de laisser une empreinte durable qui se répercutera sur eux à l’avenir. Soyez concret en leur demandant de se projeter vers le moment où ils choisiront un établissement secondaire, un stage en entreprise, voire un premier job. Il n’est pas rare que les organisations réalisent des recherches sur le Net afin de mieux connaître la personnalité du candidat qui se présente à eux. Là encore, informez vos enfants de l’existence de ces pratiques qui n’ont plus de secret pour nos DRH.

Seconde recommandation : appelez-en au bon sens. Combien de fois un enfant entend-t-il qu’il ne faut pas engager la parole avec un inconnu dans la rue ? Cet adage ancestral vaut bien sûr pour le cyber-espace. Les adolescents ont souvent la sensation d’être en sécurité parce qu’ils se trouvent derrière un écran. Qu’ils soient informés que celui-ci ne les protège pas mécaniquement des cyber-malveillances ou, pire, du cyber-harcèlement, que l’État définit comme le fait de tenir des propos ou d’avoir des comportements répétés ayant pour but ou effet une dégradation des conditions de vie de la victime. Obscénités, violences verbales, menaces : quiconque s’adresse à un enfant ou à un adolescent de cette manière franchit une ligne rouge qu’il s’agit de bien repérer. N’hésitez pas non plus à indiquer à votre progéniture que le harcèlement en ligne est puni quelle que soit la nature des échanges, publics ou privés. Là encore, ce n’est pas parce tout se passe par écran interposé que le cadre de la loi ne s’applique pas…

Au plan technique, il est important d’informer vos enfants de la nécessité qu’ils ont à consulter régulièrement leurs paramètres de sécurité. Bien que nés dans un monde connecté, nos adolescents semblent peu enclins à de telles pratiques – tout comme certains de leurs parents, du reste... Sur ce point, gardez à l’esprit que les médias sociaux mettent continuellement à jour leurs paramètres de confidentialité et de sécurité afin de répondre à l’attention grandissante du grand public et des gouvernements. La récente mise à jour des règles de confidentialité de WhatsApp est là pour nous rappeler que les données constituent un bien monnayable en permanence chassé par les entreprises à des fins de marketing viral…

Cela ne suffit pas ? N’hésitez pas à aller jusqu’à superviser le contenu de vos enfants. C’est notamment possible sur TikTok, qui a lancé il y a quelques mois une fonction appelée « Family Planning » (pour « jumelage familial »). Cette nouvelle fonctionnalité permet au père ou à la mère d’agir depuis son propre appareil – ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent. Pour y accéder, il suffit de taper le mot « Moi » puis de cliquer sur les trois points qui mènent au menu « Paramètres et vie privé ». L’option du jumelage familial vous est alors proposée.

Vous le voyez, il existe bien des façons de protéger les enfants du cyber-harcèlement. Outre le contrôle, l’une des plus efficaces est bien sûr celle qui joue la carte de la responsabilisation des jeunes eux-mêmes et de mobiliser la dimension ludique. Le changement régulier du mot de passe peut par exemple faire l’objet d’un exercice de créativité. Comment échapper à la date de naissance, à l’année en cours, au prénom ou à la suite de chiffres façon « 12345 » ? Suscitez ici le jeu et l’inventivité de vos enfants pour qu’ils s’amusent tout en se protégeant. Vous aurez ainsi fait une grande partie du chemin. »

Benoit Grunemwald