L’arrêté de catastrophe naturelle,
joker d’une urbanisation… tous azimuts ?
Pour France Nature Environnement il est consternant de voir qu’aucune leçon ne semble tirée de ces drames qui se répètent pourtant chaque année, notamment le long de nos littoraux. Chacun se rejette la faute : c'est pas moi, c'est l'autre et personne ne veut assumer le lien entre urbanisation et catastrophes. C'est pareil pour les activités humaines industrielles, notre mode de vie et le changement climatique. Trop d'intérêts en jeu, j'ai plus facile de discréditer les donneurs d'alertes. Des attitudes et des options qui seront jugées à l'aune du temps qui passe par les générations futures.
« Au moment où des élus s’interrogent sur les responsabilités de Météo France quant à une insuffisance des alertes, on se demande si certains ne sont pas tentés de trouver un bouc émissaire pour faire oublier les vraies responsabilités, même si l’on ne nie pas la possibilité d’être confronté à l’imprévisible. Encore faut-il avoir été soi-même vigilant et avoir la conscience tranquille. Si les Alpes-Maritimes ont été touchées par de telles inondations, c’est avant tout parce que ce territoire subit de longue date une urbanisation irréfléchie. Le béton a colonisé et continue d’envahir les espaces agricoles et forestiers, empêchant les eaux pluviales d’être absorbées par les sols et de s’écouler normalement, provoquant de multiples inondations toujours plus destructrices.
À Cagnes-sur-Mer par exemple, un Plan de Prévention du Risque Inondation (PPRI) a bien été rédigé, mais il n’est pas respecté par les élus eux-mêmes. Le Polygone Riviera, dernier grand projet communal en date, proposera une surface commerciale utile de 70 000m² et 3000 places de parkings en pleine zone inondable (zone rouge du PPRI). À quinze jours de son inauguration, le parking est déjà submergé…
Bien souvent liées à la mauvaise gestion de notre territoire, ces inondations ne devraient pas uniquement relever des arrêtés de catastrophe naturelle. Alors que de nombreux élus cèdent aux pressions ou encouragent la spéculation foncière (toutes les plaines alluviales des Alpes-Maritimes sont dans ce cas, Nice, Mandelieu, Pégomas, Cannes… ont cédé aux chants des sirènes) ces arrêtés leur permettent de continuer d’artificialiser les sols sans aucun recul tout en rejetant la faute sur le climat, et finalement de faire payer la note par le contribuable.
Alors que le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) prévoit l’augmentation en fréquence et en intensité des épisodes cévenols, il est urgent d’adapter la gestion du territoire au changement climatique. On peut ainsi s’inquiéter de ce que pourra engendrer l’énorme projet d’aménagement de la basse vallée du Var à Nice, dans une zone agricole exceptionnelle mais ouverte progressivement à une urbanisation anarchique, sachant que des inondations très violentes y font régulièrement des ravages et même des morts (1994 et 2010 notamment) et que la création ou le réaménagement de digues ne peut en aucun cas assurer la sécurité des zones prétendument « désinondabilisées ».
L’élaboration des PPRI est obligatoire pour les communes, mais leurs dispositions sont trop souvent négligées par ceux-là mêmes qui les ont rédigés. France Nature Environnement demande que ces PPRI aient force de loi. D’autre part, il est indispensable de revoir le dispositif de catastrophe naturelle, pour différencier les événements climatiques d’origine naturelle des errements chroniques d’une mauvaise gestion. En outre, il paraît indispensable de prendre en considération des hypothèses nettement renforcées pour le dérèglement climatique. La référence aux crues centennales paraissant ainsi de plus en plus obsolète.
Pour Denez L’Hostis, Président de France Nature Environnement : « Combien de temps allons-nous encore supporter les larmes de crocodiles de beaucoup d’élus, alors que leur responsabilité est engagée ? Le permis de construire ne doit plus être délivré à l’échelle communale dès qu’il s’y attache des enjeux importants. Pour éviter les copinages, la spéculation foncière et les prises de risques inconsidérées, l’échelle intercommunale nous semble être un échelon bien plus adapté, à la condition que les intercommunalités (et en particulier les métropoles) se dotent d’une bonne gouvernance associant tous les acteurs et prennent réellement en charge la question des risques. Cet échelon politique nous apparaît d’autant plus adapté que les problèmes liés à l’eau débordent complètement les limites administratives de la commune. »
CQFD !