Face à Trump, l’Europe doit défendre son modèle et ses valeurs…

par Claire Fita, député européenne, PS

Une attaque sans précédent dans l’histoire des relations entre les États-Unis et l’Europe : au lendemain de son investiture, le Président américain, jugeant « l’UE très mauvaise » pour son pays, a confirmé que les Européens étaient « bons pour des droits de douane ! » La réponse, timide, de la Présidente de la Commission a été d’affirmer que « nous nous montrerons pragmatiques, mais nous ne renoncerons pas à nos principes ». Le pragmatisme appelle surtout à nous réveiller ! A réveiller l’Europe aujourd’hui pris en étau entre les États-Unis et la Chine, tant du point de vue économique que politique. 

Personne ne peut feindre la surprise... Trump l’avait dit et il l’a déjà fait… En 2019, son administration avait imposé des droits de douane allant jusqu'à 25 %, notamment sur les vins européens avec comme conséquence, 40% des ventes perdues et 600 millions € de manque à gagner pour nos entreprises.

Aujourd'hui, la menace d’un tarif de 10 % sur toutes les importations européennes est brandie ; elle impacterait la croissance économique dans la zone euro de 1% du PIB pour la zone euro et à hauteur de 0,73% pour la France. Derrière ces chiffres, synonyme de casse sociale dans nombre de territoires de l’Union, c’est le choix politique d’affaiblir l’économie européenne, pour mieux affaiblir nos valeurs et notre modèle démocratique. 

La menace économique, dans notre contexte de faible et très fragile croissance, est une arme en réalité utilisée d’abord contre notre démocratie que beaucoup serait prêt à « dealer »… Face aux preuves incontestables d’ingérence politique de la plateforme X, propriété d’Elon Musk, l’UE a annoncé approfondir son enquête sur le réseau social, ouverte dans le cadre du respect du Digital Services Act qui régule les plateformes en ligne. La Commission européenne doit agir vite et assumer le rapport de force !

Le numérique et en particulier les réseaux sociaux sont aujourd’hui des enjeux économiques et démocratiques. A la menace politique américaine, l’UE doit d’abord avoir une réponse démocratique forte. Défendre la démocratie et les intérêts européens sont nos priorités… Le modèle économique et social de l’UE et la planète ne se marchandent pas. Il existe ouvertement une alliance transatlantique entre l’axe réactionnaire européen et les « oligarques » de la Tech américaine pour affaiblir l’UE en faveur du populisme et du nationalisme. 

Les avancées environnementales (Green New Deal), sociales et économiques (l’intégration de critères sociaux dans la gouvernance et l’évaluation des entreprises, l’adoption de la Directive sur le devoir de vigilance…), la volonté de se donner les moyens d’une défense collective, sont frontalement attaquées à dessein. Cette alliance transatlantique ultralibérale et nationaliste a le même objectif que la droite et l’extrême droite européennes : la dérégulation. Ce qui veut dire l’abandon de nos engagements historiques garantissant des droits sociaux et environnementaux pour les citoyens européens. 

Investie notamment en tant que rapportrice pour mon groupe politique sur le semestre européen, cadre annuel de coordination des politiques économiques des États membres, c’est la vision d’une Europe forte, solidaire et souveraine que j’entends défendre ; en témoignent les 80 amendements que je viens de déposer :

    • Pour rappeler la dimension sociale incontournable de la gouvernance économique et pas uniquement le déficit public, c’est le combat de l’Europe sociale !

    • Pour insister sur l’impérieuse nécessité de permettre aux États membres d’investir massivement dans nos priorités communes : la formation, l’éducation, l’innovation, la décarbonation, l’industrie, l’agriculture… pour garantir le futur d’une Europe souveraine et prospère. 

    • Pour se doter d’instruments ambitieux de financements publics et privés pour garantir notre autonomie stratégique, industrielle, énergétique et militaire notamment. 

Voilà de quoi réveiller l’Europe, conformément à l’engagement pris devant nos concitoyens. Nous verrons très vite ceux de la Commission européenne avec les annonces prévues le 29 janvier sur la « boussole de compétitivité » mais nous entendons être vigilants quant aux principes qui fondent l’existence même de l’Union européenne.

Winston Churchill disait : « Un conciliateur, c'est quelqu'un qui nourrit un crocodile en espérant qu'il sera le dernier à être mangé. » Face à ces défis, il ne s’agit pas de nourrir le crocodile mais de se rassembler et de s’unir afin de bâtir au contraire une Europe plus forte, toujours plus fière de ses principes démocratiques et souveraine dans ses choix.

par Claire Fita, Parlement européen Groupe S&D - www.social-ecologie.eu