Le « Black Friday » ou le Monde d’hier aujourd’hui...

Catégorie Les paradoxales

Au premier jour du Black Friday, deux économistes publient une étude démontrant que l’expansion du e-commerce a détruit 81 000 emplois en France, 79 000 en Allemagne et 44 000 en Espagne en 10 ans. Suite aux révélations d’un impact écologique colossal et d’une fraude à la TVA de plus d’un milliard d’euros, le dernier argument qu’il restait au Gouvernement pour justifier son soutien à l’implantation d’Amazon (crée par le multimilliardaire Jeff Bezos) vient de tomber. Les Amis de la Terre, la Confédération des Commerçants de France, ATTAC, ANV COP 21… et de nombreuses personnalités politiques sont donc plus que jamais fondés à demander un moratoire sur les entrepôts de e-commerce.



- la frénésie du Black Friday partout dans le monde -


L’étude d’Ano Kuhanathan et de Florence Mouradian, deux économistes au CV impressionnant, fait l’effet d’un couperet : non seulement l’expansion du e-commerce en France, en Allemagne et en Espagne n’a pas créé d’emplois, mais elle en a détruit massivement entre 2009 et 2018. En France, 81 000 emplois ont disparu dans le commerce non alimentaire du fait de l’expansion du e-commerce. Il s’agit d’un solde entre 114 000 destructions nettes dans le commerce de détail et 33 000 créations dans le commerce de gros. 

Quant au transport de marchandises, souvent mis en avant par les plateformes comme un secteur où l’e-commerce crée de nombreux emplois, les économistes n’ont pu trouver de créations nettes dues au e-commerce dans les statistiques des pays étudiés. L’une des raisons probables: le recours massif à des travailleurs détachés de l’est de l’Europe dans le secteur du fret. 

Cette étude confirme les résultats trouvés pour l’Europe par deux économistes en 2017, et ceux de deux études récentes en provenance des États-Unis qui font respectivement état de 670 000 destructions nettes entre 2008 et 2020 (500 000 supplémentaires d’ici 2026) provoquées par l’e-commerce et de la fermeture de 75 000 magasins entre 2019 et 2025.  

L’étude d’Ano Kuhanathan et de Florence Mouradian démontre que ce sont les commerces de proximité qui sont les plus durement touchés. Un emploi créé dans les entreprises de plus de 250 salariés via l’expansion du e-commerce entraîne la destruction de 6 emplois dans les entreprises de moins de 250 salariés. Concernant les secteurs, les pertes d’emplois les plus importantes ont eu lieu dans l’habillement.

Les scénarios prospectifs des deux économistes, qui projettent 46 000 à 87 000 destructions supplémentaires d’ici 2028 (8) restent conservateurs, car ils n’ont pu prendre en compte les effets cumulés du COVID et de la pression à la rentabilité de l’actionnariat de la grande distribution. Le taux de pénétration du e-commerce sur le commerce physique a bondi en 2020, notamment dans le textile. Le commerce physique textile a perdu 17% de son CA entre 2007 et 2019. On comprend dès lors les causes structurelles des faillites en cascade que l’on observe cette année : La Halle, Camaieu, Naf Naf, André, Orchestra, ont toutes déposé le bilan en mars. Le Printemps vient d'annoncer la fermeture de 7 magasins en France d'ici janvier 2022. Gap a également annoncé la fermeture de 21 magasins supplémentaires et de tous ses magasins en Europe d'ici juillet 2021. Au Royaume-Uni, après la fermeture de plus de 1000 magasins en 2018, ce sont les magasins Debenhams et TopShop qui vont fermer en 2021.  

Cette étude intervient alors que les Amis de la Terre et la Convention Citoyenne pour le Climat dénoncent l’impact écologique désastreux du e-commerce : explosion de l’empreinte carbone de la France, augmentation du fret aérien et artificialisation des terres, et que l’organisation ATTAC vient d’estimer que la place de marché d’Amazon avait fraudé 1 milliard d’euros de TVA en 2019. 

Ces organisations, de nombreuses personnalités politiques ainsi que la Confédération des Commerçants de France demandent un moratoire sur les nouveaux entrepôts de e-commerce depuis plus d’un an.

Pour Alma Dufour, chargée de campagne aux Amis de la Terre : « Alors que le Gouvernement s’enfonce dans l’inégalité de traitement devant la loi en excluant les entrepôts de e-commerce du moratoire sur les zones commerciales, le dernier argument qui justifiait les faveurs aberrantes du Gouvernement à Amazon tombe. Un Gouvernement qui dit faire de l’emploi sa priorité et justifie ainsi son opposition à nombre de mesures urgentes pour la transition écologique, ne peut favoriser sciemment l’expansion d’un modèle qui détruit massivement des emplois au nom de l’ultra rentabilité et de l'ultra productivisme... » 

  • L’étude est disponible ici : http://www.kavalacapital.com/