Le « travail » sur le sellette du Grand Débat...

Catégorie Les paradoxales

Samuel Tual, observateur des évolutions sociétales, livre ici une tribune qui a pour seul but de réorienter les débats autour de cette question essentielle : le « Travail ». Pour lui, le sujet est absent du Grand Débat :



 - Samuel Tual -


Hélas, une fois n’est pas coutume, nous prenons les choses à l’envers. Le grand débat est une initiative qu’il nous faut saluer, les débats défilent, un référendum pointerait même le bout de son nez, mais en réalité la question essentielle de la place du travail est absente. Que font tous les conseillers ? que font tous les politiques ? que font tous les économistes ? que font les organisateurs du grand débat national ? Sous prétextes de pression sociale et de consensus, on n’a plus le courage de regarder l’économie de la France par le bon bout de la lorgnette. Où est passé le grand projet pour notre pays ? 

Souvenons-nous : en 1969 Pompidou avait déclaré que le jour où il y aura 500 000 chômeurs en France, il y aura une révolution !  Il y avait alors 250 000 chômeurs dans notre pays, soit 3% de notre population en recherche d’emploi. Quelques années plus tard, 500 000 chômeurs, Giscard créait l’ANPE afin de « régler définitivement le problème »... Aujourd’hui, notre président lance le Grand Débat. Alors n’est-il pas temps d’être pragmatique dans les décisions ? Assurément si ! Il est également temps d’être pédagogique dans les explications, tout comme il est temps de traiter les maux d’une Société en pleine mutation en tirant le seul bout du fil de la croissance pour tous : le Travail ! C’est la première réflexion à avoir. Celle qui passera demain par une politique incitative de retour à l’emploi, notamment par une réforme de l’assurance chômage. En posant les bases d’une nouvelle réflexion sur la place du travail, nous pourrons tisser avantageusement un avenir enthousiasmant pour tous nos jeunes et des lendemains plus sereins pour tous.  

C’est une hérésie de ne pas mettre le travail au cœur des échanges et de notre Société. La fracture sociale est devenue insupportable et ingérable avec un quart de la population qui contribue pour les 3/4 : 25% de jeunes, 25% de plus de 62 ans, il reste 50% de la population qui pourrait être active au travail mais seulement 47% d’entre eux travaillent. Avec 1/4 qui contribue pour les 3/4…. Comment dans ces conditions ne pas avoir un sac à dos trop lourd à porter ?

La vérité est qu’avec nos 10 millions de chômeurs toutes catégories confondues, nous avons passé une ligne rouge et aujourd’hui cette fracture sociale a fini par tuer les effets de solidarité car il n’y a plus suffisamment de contributeurs à la croissance de notre pays. De la fin des « 30 Glorieuses » sous Pompidou, en passant par le choc pétrolier sous Giscard d’Estaing, aucune politique n’a su vraiment placer le travail au cœur des grands projets et aucune leçon n’a été tirée des expériences passées en France et dans d’autres pays. Certes, nous ne sommes plus en situation d’écouter les uns vis-à-vis des autres. Il y a pourtant quelques évidences bonnes à rappeler et qu’une majorité ne veut plus entendre : plus on travaille, plus il y a de travail, plus il y d’attractivité ; le travail ne se partage pas : le résultat de la loi sur les 35 heures l’a malheureusement prouvé ; le travail n’est pas une source de souffrance, c’est même l’inverse !...

En gardant absent le thème du travail dans le débat, comment peut-on aborder les grands défis de la France, ceux de la transition écologique et de la fiscalité, ceux de l’organisation de l’état et des collectivités et plus encore de la citoyenneté ? Ces thèmes doivent être placés dans une réflexion consécutive. Commençons en premier lieu par redonner de l’espoir par le travail, de la flexibilité par la construction de parcours de vie professionnels qui laissent la part belle aux contrats courts et aussi à d’autres formes d’emplois innovantes. La place et la forme du travail se transforment, soyons créatifs au service de la croissance collective. Le CDI n’a plus sa place dans la tête de nos jeunes et peut-être même définitivement dans un système qui est à repenser de A à Z. Nos jeunes aspirent à composer une expérience travail faite d’une diversité d’apprentissages et d’expériences. 

Dans ce contexte, comment comprendre la position du Président Macron sur la réforme de l’assurance chômage. En taxant les contrats courts avec un système de bonus-malus et en pénalisant les contrats d’intérim, on diminue les chances des jeunes d’accéder à l’emploi et plus généralement on pénalise l’insertion par le travail. Qui aujourd’hui sait vraiment ce qu’est l’intérim ? Qui a regardé précisément quel était, non seulement son poids dans le monde du travail, mais au-delà d’un simple chiffre-clé, quel était son rôle, son fonctionnement et ses bénéfices auprès des publics et des territoires ? L’intérim représente plus de 800 000 emplois en Équivalent temps plein. Il permet aux travailleurs d’avoir un tiers employeur de confiance pour trouver des missions, pour se former et garder un bon niveau d’expertise, pour être accompagné tout au long du parcours professionnel. Il ne doit pas être associé au CDD qui est dans la plupart des cas subit et qui peut être associé à de la précarité. Cette réforme de l’assurance chômage est un non-sens. Pourquoi appliquer la loi du pollueur payeur au travail ? C’est comme si nous taxions une fois de plus, non seulement les entreprises, mais ceux aussi qui veulent travailler différemment.

Alors, débattons sur la place du travail. Repensons un pacte économique et social équitable pour tous. Nos territoires sont si riches d’idées, de bonnes volontés et d’initiatives. Il faut nous en inspirer pour recréer un élan national positif.

Samuel Tual, Président Actual Leader Group