Les Primaires de droite :
décryptage d'un expert en communication...
Florian Silnicki, expert en stratégies de communication et fondateur de LaFrenchCom, analyse en toute objectivité tous ces petits détails qui peuvent faire la différence, à l’insu de notre plein gré...
Comment
les candidats ont-ils cherché à séduire ?
Au
cours de ce rendez-vous politique, diffusé en direct, les candidats,
réunis sur le plateau, répondent aux questions de
trois journalistes, Gilles Bouleau de TF1, Élizabeth Martichoux
de RTL et Alexis Brézet du Figaro. Sept
pupitres, sept candidats, sept communications : Jean-François Copé,
François Fillon, Alain Juppé, Nathalie Kosciusko-Morizet, Bruno Le
Maire, Jean-Frédéric Poisson et Nicolas Sarkozy.
D'abord,
deux éléments sautent aux yeux du téléspectateur : Bruno Le Maire
a misé sur l'absence de cravate. C'est un choix stratégique efficace
qui met en accord son discours sur le renouveau avec la forme de
sa tenue vestimentaire. Marquant là une informalité relative et
de proximité, il dépasse courageusement le costume
traditionnel des hommes politiques. NKM a, elle, misé sur
la couleur rouge afin d'attirer l'oeil. Cela fonctionne bien.
Choisir une couleur, c'est installer une symbolique visuelle
forte qui permettra d'acquérir une visibilité immédiate à
l'écran. Même levier stratégique pour marquer les esprits des
Français. Ces deux candidats ont cherché à se démarquer sur
le plan vestimentaire pour imposer leurs idées. Ces deux là
réussissent leur pari.
Le
grand raté de la soirée, c'est le costume manifestement trop
grand d'Alain Juppé qui l'a privé de tout dynamisme. Dommage,
alors que c'était un enjeu essentiel pour lui, afin de
surmonter les critiques sur son âge. L'habit fait bien la
personnalité politique ! Alors que l'apparence des hommes et
des femmes politiques est aujourd'hui systématiquement
disséquée par les Français qui ont l'oeil averti, lui pardonneront
t ils ce faux pas ?
Bruno
Le Maire a choisi de taper fort dés le début du débat avec
une formule choc : "Si vous voulez que tout continue comme
avant, vous avez tout ce qu’il vous faut sur ce plateau"
s'accrochant à sa position d'homme neuf. Il a raison, c'est à
ce moment là que le téléspectateur a la plus grande
attention.
L'introduction
la plus naturelle est celle de Nicolas Sarkozy. Étonnamment,
par manque de travail, les autres candidats à la candidature se
retrouvent en récitant trop mécaniquement et trop peu
spontanément leur propos
appris
par cœur ce qui ne porte pas à l'enthousiasme. Leur prestation a
relevé davantage de l'exposé étudiant un peu trop scolaire que
du débat politique.
L'enjeu
de Nicolas Sarkozy était de rappeler que tous autour de la table,
avait été membre de son équipe, comme pour mieux rappeler
qu'il fut leur chef d'orchestre, s'appuyant sur son statut
d'ancien président de la République. Ainsi, Bruno Le Maire
essuie les plâtres d'une formule de Nicolas Sarkozy "A ma
connaissance Bruno, nous ne l'avions pas fait". Il en sera
de même pour Jean François Copé à qui Nicolas Sarkozy a
lancé "On a gouverné ensemble pendant cinq ans"
en réponse à une attaque formulée un peu plus tôt dans le
débat. JFC s'est lui, immédiatement installé, comme cela
était prévisible comme l'anti-sarkozyste le plus
radical.
Alain
Juppé, quant à lui, a systématiquement misé sur
l'utilisation d'un vocabulaire cash, jugeant le "budget
bidon" dans la droite ligne de ses précédentes
utilisations répétées du mot "emmerdes".
Tous
ont compris que la télévision construisait leur image. Il est temps
d'assumer que l'homme politique est un produit que l'on cherche à
vendre aux Français.
Quant
à François Fillon, moment de solitude quand il se fait piéger
comme un amateur sur le niveau du smic, incapable de répondre.
Enfin, sa réponse excessive pour sonner la charge contre
François Hollande comme
défense
est aussi maladroite qu'injurieuse. Totalement inefficace, cette
formule valide la formule de Talleyrand "Tout ce qui
est excessif est insignifiant".
Alain
Juppé et NKM sont, ce soir, tous les deux passés à côté
des enjeux électoraux du moment. En effet, ils se trompent
d’élection. Tous les deux se croient déjà au premier tour
de l’élection présidentielle, en position de rassembler la
droite et le centre. Nous ne sommes ici qu'au premier tour de la
Primaire. La stratégie électorale doit viser à parler et
convaincre les électeurs de ce camp-là. On ne convainc pas les
électeurs de droite qui vont voter à cette Primaire comme on
convaincrait les Français au second tour de l'élection
présidentielle.
Ces
débats démontrent que la communication politique ne permet pas
de tout surmonter : François Fillon n'a pas réussi à
"dé-lisser" son personnage politique. Enfin, Frédéric
Poisson a tout simplement brillé par son absence, n'étant pas
à la hauteur de la fonction présidentielle même s'il réussit
un bon coup en ressortant le programme RPR-UDF de 1993.
Nicolas
Sarkozy reste celui qui a le discours le plus impactant. Il a fait
un choix stratégique, celui de reprendre au mot près ses
formules de meetings.
Le
format de ces débats manque considérablement de rythme. Il
n'est susceptible de convaincre que les convaincus. Pendant deux
heures et demie, les compétiteurs, installés côte à côte
face aux caméras, ne se
sont
pas vraiment affrontés malgré quelques formules assassines,
comme celle de Nicolas Sarkozy à l'égard de Jean-François
Copé "Tu étais bien incapable d'imposer quoique ce
soit".
Ces
débats télévisés ont démontré qu'aujourd'hui, en politique,
l'image est un élément fondamental de la communication. Elle
permet, au delà du discours, de véhiculer un message. On
remarquera qu'aucun n'est aller jusqu'à tomber la veste ou
retrousser ses manches pour démontrer sa mobilisation.
Le
renouveau ... mais pas trop ?
Florian
SILNICKI
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