Côte d’Azur : Le béton nous a donné le pire. Il a défiguré notre littoral.

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Il peut aussi, à qui sait le manier et lui donner forme, vie. L’artiste, comme toujours, transcende la matière. N’est-il pas là pour ça ? Un photographe donne son point de... vue. Direction Nice, les cimaises de l’hôtel Beau Rivage.

Le béton peut aussi être un outil d’expression et pas simplement de construction. Certains art-chitectes comme Pierre Fauroux… capable de réaliser ici, à Valbonne, une Mairie-Église d’anthologie, y excellent. Le photographe Franck Fernandés dont on avait pu apprécier le travail à la Galerie des Ponchettes, à Nice dans un Face à Faces très réussi, y trouve un substrat à son inspiration.

Ses photos exposées sur les murs de l’hôtel Beau Rivage, arrêtent le regard sur des points de détails. Nous passons si souvent devant sans les voir. Franck les isole, les met en valeur, nous force à trouver le signifiant dans l’insignifiant, à l’installer en haut de l’affiche, à lui donner des lettres de noblesse… C’est un cadeau, une ouverture pour le non vu et donc le non-dit. En feuilletant son book, on découvre une riche palette de sujets à qui il donne matière, que ce soit sur les plages hiver/été à Saint-Tropez, le coton africain, la campagne toscane, le tremblement de terre d’Aquila dans les Abruzzes italiennes…

Mais cette série d’épreuves ici exposées nous semble plus ambitieuse, plus exigeante, plus aboutie. Profitons-en, l’indicible est, grâce aux yeux de Franck Fernandés, à portée de… vue ! Le laid peut être vu, le laid peut être beau ! Même l’ouvrage en béton qui n’a, et c’est dommage, aucune vocation esthétique et à priori aucune vertu, a lui aussi un potentiel. Frank semble, à l’instar d’autres grands photographes, apte à le percevoir et le matérialiser.

Béton-sur-mer, tout un programme… immobilier qui a fait la fortune de promoteurs peu scrupuleux qui ont installé plus souvent qu'à leur tour, la Laideur-sur-mer. Franck a le mérite d’apporter une touche adoucissante, presque apaisante, en réduisant notre champ, nous forçant à trouver de la beauté là où il n’y en a pas, là où nous promenons au mieux un regard indifférent, là où bientôt la ferraille trouera le béton, où la peinture ne pourra plus continuer à cacher la lèpre. Que n’a-t-il connu les ruines du Palais des Sports, à l’emplacement de l’actuel Port Canto à Cannes… il y avait de la matière.

Pendant ce temps, le préfet des Alpes-Maritimes, Francis Lamy, non loin de là, assistait à la destruction du restaurant de plage, La Gougouline. Quelques mètres carrés plus ou moins bétonnés édifiés sur le sable, il y a cinquante ans. Pourquoi La Gougouline et pas les centaines autres établissements hors la loi ? L’État se donne bonne conscience en créant l’impression, l’illusion, qu’il met tout en œuvre pour la faire respecter (la loi), qu’il veut vraiment reprendre possession du littoral, de la plage qui devrait être rendu au public… Gageons que les milliers de mètres carrés construits en dur sur le sable, en toute illégalité, ont encore de beaux jours et autant de tempêtes devant eux, à Cannes, Golfe Juan, Antibes, Mandelieu, Théoule-sur-mer… et que la Loi Littoral continuera impunément à être détournée par des élus pour qui le clientélisme n’est pas un vain mot. Amen !

  • Exposition « Béton-sur-Mer » jusqu’à la fin du mois de juillet - photos de Franck Fernandés, membre du collectif Carrément - Hôtel Beau Rivage - 24 rue Saint-François de Paule - Nice – tel. 04 92 47 82 82

A.D.