Côte d’Azur : Jocelyne Mas, la cicatrice algérienne...

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Comment d’une rive de la Méditerranée à l’autre, cette pied-noir d’origine est devenue écrivain multi-récompensée.

Sa vie commence comme dans un roman, son enfance est paisible, dorée sous le soleil de l’Algérie et des plages de Fort de l’Eau, bercée par le parfum des orangers et du jasmin de Baraki, choyée par des parents et grands-parents très attentionnés.

Cette Cannoise d’adoption s’est mise à l’écriture en 2003 pour que le passé ne soit pas mort, parce qu’un peuple sans passé est un peuple sans avenir, pour que ses enfants et petits enfants connaissent sa vie, sa première vie, celle de l’autre côté de la Méditerranée, celle que plus personne dans sa famille ne peut désormais raconter.

Elle nous fait vivre son enfance heureuse et insouciante sur cette terre luxuriante que son grand-père, comme tant de petits colons, à force de travail et d’obstination a fait émerger des marécages. Dans son premier livre autobiographique, « Il était une fois ma vie, Alger la Blanche », elle nous offre ses souvenirs d’adolescente avec une précision telle qu’on partage sa vie et son bonheur. Puis, aux années d’insouciance, vont faire place les années de guérillas. Certains amis algériens d’hier deviennent les ennemis de demain. Elle vit le terrible drame du 26 mars 1962, la fusillade de la rue d’Isly, commémorée chaque année dans toutes nos villes de la Côte d’Azur. L’exode est inévitable. Il faut tout laisser, tout quitter, brutalement, douloureusement, sans possibilité de retour, en laissant ses chers disparus sur l’autre rive, celle du pays qui est le sien, celle du pays d’où on ne revient pas.

Elle y retourne pourtant des années plus tard avec sa mère. Le choc est rude. Elle retrouve sa maison, celle de son grand-père, son buffet résistant aux années, mais un jardin sans odeur, sans saveur, sans couleur, à l’abandon, sans fruitier, ni glycine, ni jasmin. Tant de travail acharné réduit à néant. Elle n’y retournera plus.

Il faut se reconstruire, se relever encore et encore. C’est sa deuxième vie, celle des études de droit, puis des petits boulots que connaissent tous les étudiants. Celle du passé est enfouie et les souvenirs sont désormais difficiles à partager. Enfin, c’est celle de la famille qu’elle se construit, de ses enfants et de ses petits-enfants qui l’entourent, mais rien ne lui fait oublier son pays natal, son pays de cœur. À la mort de sa grand-mère sa vie est à nouveau bouleversée. Sa tante lui remet un vieux carton qui contient une part de sa vie, celle de son père qu’elle croyait disparu à jamais. Ce geste sans doute désespéré d’être la dernière à taire ce si lourd secret de famille, si bien gardé durant plusieurs décennies est un aveu douloureux et silencieux, enfoui dans ce carton délavé. Comment réussir à reconstruire des liens ensuite.

C’est ce drame de l’Algérie perdue, de son histoire dans l’Histoire et de la blessure qui ne cicatrisera jamais que Jocelyne Mas nous fait partager avec pudeur et délicatesse. Les écrivains, éditeurs, critiques littéraires ne se sont pas trompés en lui reconnaissant son réel talent d’auteur. Elle vit désormais son Algérie au quotidien, elle peut en parler la tête haute et elle est un porte-parole écouté et reconnu par ses pairs. Sa plume est libérée, elle écrit sans relâche. Ses enfants aiment ce pays dont ils ignoraient tout, ils veulent tout connaître, tout savoir. Elle a atteint son but. Faire découvrir et aimer cette terre rouge de son Algérie natale. C’est une nouvelle vie.

Après 2 ans de travail et de recherches, elle publie ensuite son second livre, « Chez nous, en Algérie, la Méditerranée était au Nord », préfacé par Jacques Peyrat, consacré par le Prix Méditerranée au Grand Concours International du Centre Européen pour la Promotion des Arts et Lettres. Il a obtenu la Médaille du Mérite Culturel et la médaille de la Ville de Nice. Fresque historique relatant toute l’histoire de l’Algérie, de la conquête à nos jours.

Son troisième livre, « De la Côte Turquoise à la Côte d’Azur, pêle-mêle d’ici et de là-bas » préfacé par Jean-Claude Brialy est illustré et comporte plusieurs romans. Il a obtenu la Médaille de Bronze avec Mention d’Excellence au Concours International Littéraire du Centre Européen pour la Promotion des Arts et Lettres. Jocelyne Mas vient d’être nommée parmi les 100 femmes de l’année.

Son quatrième livre est un recueil de poèmes illustrés, « Au gré des flots, Vague à l’âme et clapotis mélancoliques ». Il a obtenu la Médaille d’Argent du Mérite Culturel avec Mention d’Excellence.

Son dernier ouvrage, une nouvelle, « Mon Maître et moi, une histoire d’amour », paru aux éditions de la Fournière est consacré à nos amis à quatre pattes. Il vient d’obtenir dans la catégorie Nouvelles, le 2ème prix des Arts et Lettres de France. Il est vendu au profit de nos refuges régionaux.

  • les livres de Jocelyne Mas peuvent être commandés sur son site -

Monique Béguin-Giuglaris