Mais qu'est-ce, donc, que le hasard ? Je ne suis pas loin de croire que c'est la vie même. C'est ce qui arrive sans que nous y soyons pour rien, sans que rien le fasse prévoir. C'est tout ce qui se produit de façon fortuite - du moins à nos yeux, à nous qui ne savons pas le fond des choses. N'a-t-il pas présidé à notre naissance ?

Nous avons tous besoin de hasards favorables. C'est-à-dire de bonnes chances (car il en est aussi de mauvaises) pour survivre jour après jour, dans un monde où les périls sont si nombreux, où notre destinée compte pour si peu. Il fait beau quand je suis en vacances, l’autobus arrive dès que je l'attends, la personne dont j'ai besoin est bien disposée, la femme que je désire me trouve à son goût, la guerre est évitée... Autant de chances car le contraire pourrait aussi bien se produire.

Il y a donc une chance il s'agit d'en avoir ou pas. Il semble bien que certains en aient plus que d'autres, mais chacun en a, car sinon la vie devient impossible ! Être doué, c'est avoir de la chance, être adroit, posséder une heureuse nature, être vigoureux, optimiste... c'est avoir décidément la meilleure, la première des chances. Venir au monde dans une bonne famille, c'est une grande chance vraiment. Car il n'est guère de pire malheur que de naître de façon inopportune et d'entrer ainsi dans un monde particulièrement déplorable. 

Qui est, en effet, plus à plaindre que certains enfants livrés aux pires des humains, obligés de subir tout ce que certaines créatures peuvent faire endurer à un être sans défense ? Et même sans aller si loin, quelle tristesse, quel chagrin, quels tourments connaissent des enfants sensibles, dans le foyer et le milieu qui leur est imposé ! 

La chance ! Tout vivant qui n'est pas trop malheureux, tout être normal devrait mieux savoir combien il en faut, combien il en a. Il devrait aussi savoir la « séduire », parfaitement ! La capter définitivement n'est guère possible, mais chacun peut au moins, tenter de lui plaire assez pour qu'elle le prenne en sympathie. Il n'en faut pas plus, parfois, pour améliorer son destin. A vous de jouer, à vous de faire !

Fernand Dartigues - 1990