Angoisse et décontraction…

Crédits:
textes par
Catégorie Les paradoxales

Édito publié dans Paris Côte d’Azur dans les années 60/70.


"Ce n’est pas comme on le dit souvent le mal du siècle. L'angoisse est probablement vieille comme le monde, comme l'homme, et sans doute comme les êtres vivants. C'est la crainte naturelle et plus ou moins consciente de tout être vivant devant l’inconnu. Car tout ce qui est essentiel lui est inconnu : d'où il vient, où il va et pourquoi ! En outre, il sent dans l'univers beaucoup plus d'hostilité ou d'indifférence que de bienveillance et d'affection.

Non, l'angoisse n'est pas nouvelle et peut-être qu'après tout nous sommes moins angoissés que nos grands-parents à l’époque du Romantisme, nos arrière-grands-parents du 18ème siècle, nos lointains aïeux du Moyen-Age, nos ancêtres de l’Age de pierre. Somme toute, vivre m'a jamais été une partie de plaisir sans nuage ! Je crois, au contraire, que malgré tout (et chacun mettra dans ce tout ce qu'il voudra), les humains s'entendent plutôt mieux à diriger leur destinée dans le sens du mieux être. Il semble en tout cas qu'il leur faudrait peu de chose pour échapper enfin à cette angoisse qui n'est chez certains qu’inquiétude, mauvaise humeur, soucis, malaise… 

Tout d'abord, ne l'oublions pas, beaucoup plus qu'une question d'époque, c'en est une de personnalité. Les aptitudes à être heureux ou malheureux varient avec les caractères plus encore qu’avec les conditions d’existence. Sous Charlemagne comme sous Charles De Gaulle, avant ou après l’ère atomique, les uns sont tourmentés,d’autres paisibles, les uns confiants, d’autres pessimistes… C’est à partir de cette constatation que l’on peu examiner de plus près les raisons ou le manque de raisons que nous avons à gémir ou de rire. De nous plaindre ou de nous réjouir. Car c'est là l'essentiel, cela ne dépend pas de nous. On en voit vivre gaiement dans d'assez piètres conditions et d'autres tristement alors que leur situation est bien meilleure. Sur ce genre de vérités premières on ne médite jamais assez. 

La revue Réalité a consacré son numéro d’août à l’angoisse. Je l’ai lu avec attention. Messieurs Deblesse, Bachelard, le docteur Gros, le père Bro, Laurence Durell, François Mauriac et Jean Giono nous ont proposés quelques remèdes : la science, la méditation, la religion, l’altruisme. C'est encore Giono qui m'a semblé le meilleur guide. Giono et son sens poétique du réel. « Il y a la base du bonheur une utilisation des éléments qui se trouvent autour de nous quels qu'ils soient », dit-il. C'est moi qui ai souligné quels qu’ils soient parce qu’il est important que le éléments du bonheur sont partout, même là où ils ne nous apparaissent pas. Nous ne pensons le trouver que dans les meilleurs aspects de la vie, tandis qu'il se tient souvent dans de très humbles objets, dans de banales circonstances. L'angoisse ? Vous n'avez qu'à ne plus y croire pour qu'elle s'en aille ! 

La décontraction est une parade que l'on a trouvée pour répondre aux attaques que notre civilisation nous fait subir sans répit. Sa pratique peut, en effet, nous permettre d'éviter les troubles nerveux et mentaux qui guettent les cobayes du progrès que nous sommes, disait Paul Valéry. Il s'agit d’abord de s'apercevoir que nos muscles, nos nerfs, notre esprit sont exagérément tendus." 

(A suivre...)